[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
j’ai senti une certaine tristesse, mais je n’ai pas compris. » 725 Ce qui veut dire que
l’enfant, malgré la prise de conscience de l’universalité du phénomène de la mort, n’est
pas encore capable de rapporter cette réalité mystérieuse à soi-même, ni même à ses
proches. L’auteur dit exactement ne pas s’être senti « menacé dans un avenir très
proche » ni avoir « eu peur pour [s]es parents » 726 .
Enfin, ajoutons encore un dernier souvenir qui atteste que l’enfant fut
particulièrement attiré par la réalité de la mort. Čep raconte comment lui et sa sœur
Anne sont allés rendre visite à une famille dans laquelle un garçon de leur âge venait de
mourir à la suite d’une pneumonie. Ils y arrivent munis de saintes images pour les
déposer dans le cercueil et pour réciter des prières comme la mère le leur recommanda.
Mais la présence d’un corps inanimé « en costume du dimanche, les yeux fermés, les
traits figés, la peau très blanche, la bouche entrouverte » s’avère particulièrement
troublante pour les enfants qui n’arrivent pas à se concentrer sur la prière :
[N]otre prière était très distraite ; nos regards étaient invinciblement attirés par cette petite figure bien
connue et étrangère en même temps, dont l’immobilité était autre que celle du sommeil. 727
Voilà bien saisi l’effet de la mort : elle transforme, elle change la figure de l’homme.
Certes, Jan et Anne reconnaissent leur camarade de classe, mais en même temps ils sont
sensibles au fait qu’il est autre. Et le sanglot de la mère du garçon décédé suggérant le
départ de son fils (« Le voilà parti, notre petit André ») perturbe encore plus le petit
Jan : « Il était là, devant nous, et parti en même temps. Comment, où ? » 728
L’irruption de la mort dans la vie du petit garçon fonctionne comme un déclencheur
de l’angoisse. Elle se présente comme une réalité mystérieuse, inconnue et radicalement
différente de tout ce qui forme l’univers de l’enfance. Elle est inaccessible et
inabordable, elle fait partie des tabous. Elle ouvre donc de nouveaux horizons, renvoie à
un ailleurs qui est source d’interrogation et d’angoisse. Son danger consiste en ce
qu’elle aliène (transforme) et sépare les êtres vivants. Enfin, elle est liée aussi à la
religion à l’intérieur de laquelle seulement elle peut être « vaincue », ou mieux, où les
725 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 13.
726 Ibid.
727 Ibid., p. 14.
728 Ibid.
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