[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
sous leur main-mise, au moins dans les premières années. Je crains que nous ne soyons encerclés par
une nouvelle muraille de Chine, que nous ne poussions sortir et que l’on ne laisse pas passer librement
les voix de l’autre côté, les livres et les revues, etc. Il y aura une misère matérielle aussi bien que
spirituelle – et encore seulement pour ceux qui survivront […] Lorsque j’y pense un instant, je sens
que je me fige comme si je regardais le visage de Méduse. 30
Cette vision, dont l’accomplissement se préparait dans les trois années de semi-
liberté d’après guerre, devient réalité avec le coup d’état de février 1948. L’évocation de
cet événement funeste qui fera, selon la parole de V. Černý, que « tous les écrivains
catholiques et de droite furent enterrés vivants » 31 , ne se fait pas attendre. Dans une
lettre à Henri Pourrat datée de deux jours seulement après le putsch, nous pouvons lire
ces lignes qui font sentir un malaise angoissant :
L’épée de Damoclès est tombée ; le dernier semblant de liberté nous a été enlevé. Ils sont les maîtres
absolus, désormais. […] C’est pire qu’avec les Allemands, parce que cette fois-ci ça n’a pas le
caractère provisoire que ça avait il y a quelques années. […] Quant aux relations physiques et
spirituelles avec le reste du monde, nous serons probablement tout à fait isolés. 32
Vu cet état des choses, Čep n’a d’autre possibilité que de fuir. Rester, ce serait,
comme cela allait bientôt arriver à beaucoup de ses amis, être persécuté, emprisonné,
torturé, et ceci « uniquement pour leurs convictions et pour leur attitude morale, et ceci
uniquement pour ce qu’ils furent, leur opinion et attitude ouvertement assumées! » 33
Pourtant, nous avons dit que la motivation de l’émigration de Čep fut double :
pression externe et nécessité interne. Nous sommes persuadés que la seconde fut aussi,
sinon beaucoup plus grande, que la première. Bien sûr, par le fait de s’évader, il a
conservé sa liberté et peut-être même sa vie 34 . Néanmoins, son départ fut également
30
« Z budoucnosti mám ustavičnou hrůzu, jak z té bezprostředně nastávající, vojenské, tak z té, která
přijde po ní. Je už vidět, že moc budou mít od počátku v rukou ‘Oni‘, a obávám se, že se nám bude pod
nimi v náboženském a kulturním životě těžko dýchat. Pro mou osobu mám vyhlídky co nejčernější, mám
za jisté, že nechají-li mě naživu, nedovolí mi pracovat. Vyhrožovali mi už při Modré a zlaté a potom za
neblahé Obnovy, a nepochybuji, že budou mít vůli i moc své pohrůžky splnit. Náš svět je a bude
v takovém hmotném, mravním i myšlenkovém chaosu, že všechno padne za kořist jim, aspoň v prvních
letech. Obávám se, že budeme ohrazeni novou čínskou zdí, že nebudeme sami smět ven a k nám že se
nebudou svobodně propouštět hlasy z druhé strany, knihy a časopisy, atd. bude bída hmotná i duchovní –
a to ještě jenom pro ty, kdo se toho dočkají. […] Když na to všechno chvíli myslím, cítím, jak všecek
tuhnu, jako bych se zahleděl do obličeje Medusy. », J. Čep à J. Vašica, le 3 avril 1946, « Jan Čep Josefu
Vašicovi », Literární věda osudem i volbou (K 70. narozeninám Jiřího Svobody), op. cit., p. 97-98.
31 e
« […] zaživa pohřbení všichni spisovatelé pravicoví a katoličtí », V. Černý, Paměti (1945-1972), 2 éd.
augmenté, Brno, Atlantis, 1992, p. 236.
32
J. Čep à H. Pourrat, le 27 février 1948.
33
« [Zde bylo do žaláře posíláno] výhradně ideové přesvědčení a mravní stanovisko, a to výhradně za to,
že byly čím byly, otevřeně zastávaným názorem a stanoviskem! », V. Černý, Paměti, op. cit., p. 341.
34
Dans une interview faite en 1968, Václav Čep témoigne de la nécessité de s’exiler dans le cas de son
frère : « S’il n’était pas parti, il ne serait pas resté en liberté et probablement il ne vivrait plus
aujourd’hui : étant donné sa constitution et sa grande sensibilité, il n’y aurait pas survécu. », T. Pěkný,
23