[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
déficiences, mes trahisons ; de me servir de mon passé troué et inconsistant comme d’une matière
qu’on essaie encore de ranimer en arrière comme en avant. Est-ce possible ? 717
VI.2.4. Angoisse, ma sœur !
Il est intéressant de voir que ce sont pour la plupart des penseurs chrétiens (avec les
existentialistes encore) qui s’efforcèrent de saisir la notion d’angoisse. Songeons à
Søren Kierkegaard, Hans Urs von Balthasar, Gabriel Marcel, Paul Tillich et autres 718 .
Comme si les Chrétiens étaient plus sensibles à ce phénomène mystérieux que les
autres, comme si entre la foi et l’angoisse existait un lien plus étroit qu’avec tout autre
entité. L’autobiographie de Jan Čep n’est certes pas un traité théorique ou philosophique
sur la notion de l’angoisse, mais l’angoisse y est omniprésente, elle en est le mot de
titre, le mot clé. C’est aussi à cause d’elle que Vladimír Papoušek peut désigner Ma
Sœur l’angoisse comme « un des plus importants textes existentialistes » de la littérature
tchèque. Nous faisons nôtre son raisonnement :
Le héros de la prose Ma Sœur l’angoisse traverse chaque moment de la réalité comme s’il marchait
dans un espace inconnu et incertain, qui peut receler un abîme ou peut exploser. L’angoisse dans son
ordinaire quotidienneté est sa fidèle accompagnatrice. Ni la foi, ni l’espérance ne l’épargnent devant
l’écoulement lent du temps. 719
L’angoisse dans le titre ne doit pas renvoyer seulement à la formule notoire de Saint
François d’Assise qui désigna comme sa sœur même la réalité de la mort. L’indication
Ma Sœur l’angoisse, soulignée par un « A » majuscule dans le titre autographe, signifie
la relation particulière que Čep entretenait avec l’angoisse : elle est sa sœur, elle lui est
plus que proche, elle lui est familière à tel point qu’elle le comble constamment, qu’elle
l’habite. On en trouve mille et une preuves dans son œuvre aussi bien que dans sa vie.
Citons en quelques-unes extérieures à l’ouvrage dont ce chapitre traite. Dans le
questionnaire proustien, publié en 1961 dans une revue d’exil, on interroge Čep sur son
717 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 174.
718 S. Kierkegaard, Le Concept d’angoisse, Begrebet Angest 1844 (in : Œuvres complètes, t. VII, Paris,
1973) ; H. Urs von Balthasar, Le Chrétien et l’angoisse, Desclée de Brouwer, 1954 ; G. Marcel,
« L’inquiétude humaine », in : L’Homme problématique, Présence de Gabriel Marcel, 1998 Paris, p. 77-
187 ; P. Tillich, The Courage to Be, Yale University Press, 1952.
719 « Hrdina prózy Sestra úzkost prochází každým okamžikem skutečnosti jak by našlapoval do nějakého
neznámého, nejistého prostoru, který může skrývat propast nebo může explodovat. Úzkost je jeho věrnou
průvodkyní veškerou každodenní všedností. Ani víra, ani naděje ho nezachraňují před oním pomalým
plynutím času. », V. Papoušek, Existencialisté. Existenciální fenomény v české próze dvacátého století,
Praha, Torst, 2004, p. 339.
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