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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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<strong>tel</strong>-<strong>00462108</strong>, version 1 - 8 Mar 2010<br />

Je commence <strong>à</strong> être écoeuré par la production littéraire française actuelle. […] Les nouveaux écrivains<br />

– et même écrivaines – français se délectent trop dans la cruauté cynique et arbitraire. S’agit-il, peutêtre<br />

un peu <strong>de</strong> remords inavoués (mais ce mot n’est pas pris <strong>à</strong> leur vocabulaire) pour ce qu’ils ne<br />

veulent pas admettre la souffrance du mon<strong>de</strong> environnant (ou bien c’est la réaction indirecte <strong>à</strong> cette<br />

souffrance). Quoi qu’ils fassent, un jour ce mon<strong>de</strong> fera une irruption terrible dans leurs constructions<br />

psychologiques et trop ingénieusement littéraires. […] Mais je voulais seulement dire que la<br />

différence entre les Bernanos et les Gi<strong>de</strong>, les Camus et les Sartre – et même entre les Mauriac et les<br />

Duhamel – et ces Perry, Bosquet, Dutourd, Zéraffa, etc. saute aux yeux. […] Il faudrait un géant – <strong>à</strong> la<br />

[…] Dostoïevski – pour soulever par le cœur et l’imagination l’horreur et la misère <strong>de</strong> notre mon<strong>de</strong> et<br />

sauver la dignité naturelle et surnaturelle <strong>de</strong> l’homme. Parmi les mo<strong>de</strong>rnes y parvenait Bernanos – et <strong>à</strong><br />

un autre niveau et avec moins <strong>de</strong> force Camus s’y applique avec probité. – Mais ce ne sont que <strong>de</strong>s<br />

divagations qu’il ne faut pas prendre <strong>à</strong> la lettre. 641<br />

Ailleurs encore, Č<strong>ep</strong> compare la situation <strong>de</strong> la littérature française <strong>de</strong> l’époque <strong>à</strong> la<br />

littérature du XVIII e siècle. Comme au temps <strong>de</strong> Voltaire et <strong>de</strong> Rousseau, la production<br />

d’après-guerre pullule sans « dépasser une certaine moyenne » ; comme au temps <strong>de</strong>s<br />

Lumières, la littérature narrative est submergée, au détriment du roman, par le genre <strong>de</strong><br />

l’essai philosophique d’un côté, et par le journalisme facile et superficiel <strong>de</strong> l’autre. Le<br />

roman, lui-même, est d’ailleurs « infecté » par ces <strong>de</strong>ux tendances. Mais nous nous<br />

éloignons un peu trop du sujet proposé qui doit être le regard <strong>de</strong> Č<strong>ep</strong> sur les ouvrages<br />

novateurs, notamment ceux conçus par les r<strong>ep</strong>résentants du nouveau roman.<br />

Le seul fait que Č<strong>ep</strong> ne passa pas leur production sous silence dans ses comptes<br />

rendus, prouve qu’il ne les refusait pas a priori. Dans ses jugements portés sur ce<br />

phénomène naissant qu’est le nouveau roman, il apparaît donc plus discret que François<br />

Mauriac, qui dans ses Mémoires intérieures s’en prend <strong>à</strong> Robbe-Grillet et <strong>à</strong> ses postulats<br />

théoriques. 642 En tout cas, Č<strong>ep</strong> ne dégaine pas ici l’arme <strong>de</strong> l’ironie comme le fait<br />

parfois Mauriac. Plutôt que <strong>de</strong> fustiger, Č<strong>ep</strong> observe.<br />

Dans la jeune littérature française en général, Č<strong>ep</strong> semble saisir un trait commun.<br />

C’est, avant tout, une littérature « marquée par l’expérience <strong>de</strong> l’incertitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong><br />

l’instabilité », ce qui fait que les jeunes écrivains ressentent plus que jamais la nécessité<br />

641 « Já začínám být „écoeuré“ nynější francouzskou literární produkcí. […] Noví francouzští autoři –<br />

i autorky – si příliš libují v svévolné a cynické krutosti. Možná, že jsou to trochu n<strong>ep</strong>řiznané výčitky<br />

svědomí (toto poslední slovo ovšem není vzato z jejich slovníku) za to, že si nechtějí připustit utrpení<br />

okolního světa (anebo je to n<strong>ep</strong>římá reakce na toto utrpení). Ale ať dělají, co dělají, tento svět jednoho<br />

dne strašlivě vtrhne do jejich příliš důmyslných literárních a psychologických konstrukcí. […] Ale chtěl<br />

jsem jenom říci, že rozdíl mezi Bernanosy a Gidy, Camusy a Sartry – ba i mezi Mauriaky a Duhamely –<br />

a těmihle Perrymi, Bosauety, Duourdy, Zéraffy, atd. bije do očí. […] Musil by to být obr – <strong>à</strong> la […]<br />

Dostojevský – aby mohl nazvednout srdcem a obrazností hrůzu a bídu našeho světa a zachránit člověku<br />

jeho přirozenou a nadpřirozenou důstojnost. Dovedl to z mo<strong>de</strong>rních Bernanos – a v jiné rovině a s menší<br />

silou se o to poctivě pokouší Camus. – Ale toto jsou divagace, které neberte doslova. », J. Č<strong>ep</strong> <strong>à</strong> V. Peška,<br />

le 12 décembre 1952.<br />

642 Cf. F. Mauriac, Mémoires intérieures, Paris, Flammarion (Livre <strong>de</strong> poche), 1959, p. 303-308.<br />

Relevons une citation exemplaire <strong>à</strong> la page 308 : « Si M. Robbe-Grillet écrit un jour <strong>de</strong> grands livres, ce<br />

ne sera pas grâce aux lois qu’il a édictées, mais dans la mesure où il les aura oubliées. »<br />

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