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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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<strong>tel</strong>-<strong>00462108</strong>, version 1 - 8 Mar 2010<br />

totalitaire qu’il a fui, l’expérience <strong>de</strong> l’exil elle-même) est intransmissible, inexplicable,<br />

indicible. C’est elle qui le rend irréductiblement différent.<br />

Enfin le déracinement linguistique en tant que <strong>tel</strong> est directement thématisé lorsque<br />

le narrateur éprouve sur lui-même la dégradation <strong>de</strong> la langue maternelle. En se<br />

promenant, le narrateur <strong>de</strong> l’Ile <strong>de</strong> Ré admire les fleurs <strong>de</strong>s champs. Tout <strong>à</strong> coup il est<br />

figé dans une sorte <strong>de</strong> vacuité, où il n’est plus capable d’attribuer aux fleurs leurs noms<br />

ni en tchèque ni en français :<br />

[...] sur les bornes très basses poussent <strong>de</strong>s fleurs jaunes et carmins. En vain, je cherche comment elles<br />

s’appellent. J’ai oublié leurs noms tchèques et les noms français, je ne les connais pas. 421<br />

Cette dégradation <strong>de</strong> la langue maternelle, dans une mesure encore beaucoup plus<br />

élevée, se trouve également chez Egon Hostovský. Sous l’influence <strong>de</strong> l’exil, l’un <strong>de</strong> ses<br />

personnages errant, nommé Beran, perd quasiment toute aptitu<strong>de</strong> <strong>à</strong> communiquer avec<br />

les autres. L’aphasie progressive atteint chez lui un <strong>tel</strong> niveau d’économie linguistique<br />

que son discours <strong>de</strong>vient carrément incompréhensible :<br />

En fuyant la France, cet homme singulier perdait jour après jour, d’heure en heure, les mots <strong>de</strong> son<br />

vocabulaire. Maintenant, il parle <strong>de</strong> sorte que seulement Barach et moi le comprenons. La phrase qui<br />

doit se composer <strong>de</strong> dix mots en comporte quatre dans le langage bizarre <strong>de</strong> Beran. 422<br />

IV.2.3.3. Triangle d’exil : Solitu<strong>de</strong>-étrangeté-errance<br />

Toutes les facettes dont nous avons traité jusqu’<strong>à</strong> maintenant – privation matérielle,<br />

complexe <strong>de</strong> papiers, déracinement et barrière linguistique, impossibilité <strong>de</strong><br />

communiquer, crise i<strong>de</strong>ntitaire – impliquent en quelque sorte l’enjeu central peut-être <strong>de</strong><br />

toute littérature écrite en exil. Nous aimerions le r<strong>ep</strong>résenter sous la forme d’un triangle<br />

dont les sommets seraient nommés Solitu<strong>de</strong>-Etrangeté-Errance et où chaque sommet est<br />

lié aux autres, l’un appelant les <strong>de</strong>ux autres.<br />

421 « [N]a nizounkých mezích kvete žluté a karmínové kvítí. Marně hledám v paměti, jak se jmenuje.<br />

Česká jména jsem zapomněl a francouzská neznám. », Œuvres III, p. 370.<br />

422 « Tento jedinečný muž ztrácel totiž na útěku z Francie <strong>de</strong>n ke dni, hodinu k hodině slovíčka ze své<br />

slovní zásoby. Nyní hovoří tak, že mu rozumíme jen Bachrach a já. Věta, která má obsahovat <strong>de</strong>set slov,<br />

je složena v Beranově zvláštní mluvě ze čtyř. », E. Hostovský, Listy z vyhnanství, p. 79.<br />

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