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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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l’objet perçu (première source de possibilité de déformation dans le passage d’une pseudo<br />

objectivité de l’objet à la subjectivité du sujet), et si le langage peut effectivement traduire la<br />

sensation (autre source de déformation par le passage d’une perception globale à un discours<br />

discursif étalé dans le temps). Ainsi comprend-on que pour tenter de percevoir sans détour,<br />

ou de toucher à un réel, deux options s’offrent à nous : soit nous partons du principe que le<br />

réel ne correspond pas à notre perception et dans ce cas il nous faut douter de l’analyse de<br />

nos sens en ce qu’ils sont trompeurs ; soit il nous faut douter du réel lui-même, jusqu’à son<br />

existence même, puisque nous ne pouvons avoir accès qu’à notre perception, à nos sens, qui<br />

ne sont pas le réel de l’objet perçu.<br />

Cette définition du réel par rapport à nos sens est par exemple le point central d’un<br />

célèbre texte de Diderot, la <strong>Le</strong>ttre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient 201 . Nous en<br />

proposons un bref aperçu en ce qu’il donne un éclairage tout à fait significatif sur les<br />

propositions paradoxales talensiennes. <strong>Le</strong> philosophe y aborde le problème fort couru en son<br />

temps, celui de savoir si un aveugle né qui recouvrerait la vue verrait ou non le monde<br />

comme ceux dotés de ce sens depuis la naissance. <strong>Le</strong> point de départ est que le monde en luimême<br />

ne nous est atteignable que par notre perception c’est-à-dire que nous ne connaissons<br />

que nos perceptions. Il en ressort que nos jugements et nos analyses ont pour origine notre<br />

perception :<br />

« Comme je n’ai jamais douté que l’état de nos organes et de<br />

nos sens n’ait beaucoup d’influence sur notre métaphysique et sur notre<br />

morale, et que nos idées les plus purement intellectuelles, si je puis parler<br />

ainsi, ne tiennent de fort près à la conformation de notre corps […] ; nos<br />

vertus dépendent de notre manière de sentir et du degré auquel les choses<br />

extérieures nous affectent ! »<br />

Par conséquent, si le réel dépend de notre mode de perception, Diderot conjecture que<br />

la représentation que nous nous en faisons sera certainement très différente suivant le sens<br />

auquel on donne plus d’importance : un aveugle né n’aura pas la même représentation du réel<br />

qu’un sourd ou qu’un homme doté des cinq sens depuis la naissance. Cela amène alors<br />

Diderot à dire – à travers les propos de Saunderson, le célèbre mathématicien aveugle anglais<br />

– que si le monde se limite à nos sens, et que suivant les sens nous créons différents mondes,<br />

il est imaginable que beaucoup d’autres mondes existent hors de la portée de nos sens.<br />

201 <strong>Le</strong>ttre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1740), Paris, Flammarion, 2000.<br />

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