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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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qui, soit comporte une possibilité d’erreur, soit n’a pas conscience qu’elle peut être dans<br />

l’erreur. Selon Aristote, il faut se défaire de la doxa, de la norme car elle ne part pas d’une<br />

prémisse certaine (voir Organon V). La doxa n’est donc pas nécessairement vraie ou fausse 46<br />

(elle peut être l’un comme l’autre), mais à cause de son inconscience, elle se situe en dehors<br />

de la question du vrai, et donc ne peut y accéder.<br />

La question de la doxa n’est ainsi pas à étudier dans son rapport avec la vérité, ou avec<br />

le vrai, mais dans son rapport avec la raison, le raisonnement, la conscience sur lesquels elle<br />

peut agir car ce sont des notions liées à la subjectivité d’un sujet (alors que le vrai et la vérité<br />

se doivent d’être objectifs, universels). La doxa n’existe pas pour le monde, elle n’existe que<br />

pour le sujet et ne peut se trouver en dehors du sujet.<br />

Il en ressort que la doxa n’est pas du domaine de l’absolu, de la connaissance<br />

objective, mais du point de vue subjectif, de l’avis personnel. Elle dépend entièrement du<br />

sujet : d’où il vient, où il est, etc. Or, si la doxa appartient au champ du sujet, elle apparaît<br />

dans la société, dans une communauté de sujets. Il est donc permis de distinguer une doxa<br />

individuelle d’une doxa commune. Cette dernière sera plutôt à mettre en relation avec<br />

l’histoire, l’idéologie, quand la première sera plus proche de la psychologie individuelle. A<br />

particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ; de sorte que<br />

l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en<br />

connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur<br />

l'opinion : il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter.<br />

Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de<br />

morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion<br />

sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement.<br />

Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se<br />

posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit<br />

scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de<br />

question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit. »<br />

BACHELARD La Formation de l'Esprit Scientifique, Chap. I, §. I, éd. Vrin, p. 14<br />

46 La relation entre la doxa et le vrai est abordé par Platon qui parle d’une science qui ne sait pas « distinguer le<br />

bon du mauvais » comme le montre cet extrait de Platon : « -Socrate : « Un sophiste, Hippocrate, ne serait-il pas<br />

un négociant ou un boutiquier qui débite les denrées dont l'âme se nourrit ? Pour moi, du moins, c'est ainsi qu'il<br />

m'apparaît. »<br />

Hippocrate : « Mais cette nourriture de l'âme, Socrate, quelle est-elle ? »<br />

Socrate : « <strong>Le</strong>s diverses sciences, évidemment, repris-je. Et ne nous laissons pas plus éblouir par les éloges qu'il<br />

fait de sa marchandise que par les belles paroles des commerçants, grands et petits, qui nous vendent la<br />

nourriture du corps. Ceux-ci nous apportent leurs denrées sans savoir eux-mêmes si elles sont bonnes ou<br />

mauvaises pour la santé, mais ils les font valoir toutes indifféremment, et l'acheteur n'en sait pas davantage, s'il<br />

n'est maître de gymnastique ou médecin. De même, ceux qui colportent leur savoir de ville en ville, pour le<br />

vendre en gros ou en détail, vantent aux clients tout ce qu'ils leur proposent, sans peut-être savoir toujours euxmêmes<br />

ce qui est bon ou mauvais pour l'âme ; et le client ne s'y connaît pas mieux qu'eux, à moins d'avoir étudié<br />

la médecine de l'âme. Si donc tu es assez connaisseur en ces matières pour distinguer le bon du mauvais, tu peux<br />

sans danger acheter le savoir à Protagoras ou à tout autre ; sinon, prends garde, mon très cher, de jouer aux dés le<br />

sort de ton bien le plus précieux. <strong>Le</strong> risque est même beaucoup plus grand quand on achète de la science que des<br />

aliments. Ce qui se mange et ce qui se boit, en effet, quand on l'achète au boutiquier ou au négociant peut<br />

s'emporter dans un vase distinct, de sorte que l'achat entraîne peu de risques. Mais pour la science, ce n'est pas<br />

dans un vase qu'on l'emporte ; il faut absolument, le prix une fois payé, la recevoir dans son âme, la mettre dans<br />

son âme, et, quand on s'en va, le bien ou le mal est déjà fait. »<br />

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