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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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ensuite. Effectivement le thème de la parole joue un rôle tout à fait important dans la poésie<br />

talensienne, et particulièrement dans la présentation de ce qu’y est le réel, et de ce qu’y est la<br />

fiction : le langage commun semble être relié à une perte de réel, alors que la réalité se définit<br />

par la présence dans l’instant du corps. <strong>Le</strong> réel devient alors ce qui est avant ou après le<br />

discours, c’est-à-dire soit dans un en-deça langagier (le corps physique), soit dans un au-delà<br />

langagier (le corps métapoétique du poème). En somme, c’est une forme d’existence qui<br />

s’appuie sur la confusion entre le réel et la fiction et qui trouve sa traduction dans<br />

l’expérience d’un monde inexistant.<br />

1. <strong>Le</strong> corps ou le point de départ du réel et de la fiction<br />

L’accès au réel et à la fiction passe nécessairement <strong>chez</strong> Jenaro Talens par le moi<br />

poématique, et plus particulièrement par le point d’ancrage que constitue son corps et sa<br />

perception 279 . Cet état premier du corps est d’ailleurs revendiqué dans par exemple ce vers de<br />

Salmo Dominical :<br />

279 L’opposition entre le réel, ce qui est, et la fiction, ce qui n’est pas, revient à concevoir l’existence ou la non<br />

existence d’un monde en dehors de l’esprit du sujet. Si la doxa part du principe que le monde existe et qu’il est<br />

tel que nous le percevons, alors partant du principe inverse que le monde n’est pas nécessairement tel que nous<br />

le percevons, et que, par ailleurs, nous ne pouvons connaître que notre perception, certains courants<br />

philosophiques arrivent à la conclusion contraire : le monde n’existe pas. C’est le cas plus particulièrement du<br />

philosophe irlandais George Berkeley. Son point de départ est identique à celui des empiristes comme Locke,<br />

mais son point d’arrivée est fort différent : ce sera la création de l’idéalisme subjectif qu’il présente dans son<br />

ouvrage Trois dialogues entre Hylas et Philonous (Flammarion, Paris, 1998). Si donc, tout provient des sens et<br />

de l’entendement, il en ressort que rien n’existe en dehors d’un esprit qui perçoit. L’existence dépend alors<br />

entièrement d’une perception, c’est-à-dire d’un individu, ce qui revient à dire que l’existence absolue est<br />

inconcevable. De ce fait, il faut penser qu’il n’y a pas de matière (et que dire que la matière existe est<br />

finalement commettre un abus de langage, puisque nous ne pouvons percevoir réellement que nos idées, et rien<br />

d’autre). Par conséquent, même si le monde extérieur peut avoir une réalité en tant que phénomène, il n’en reste<br />

pas moins qu’il n’a pas de substance, de matière, qu’il n’existe pas en soi.<br />

Cette idée du monde sans substance peut se rapprocher de ce que la méthode sceptique amène Descartes à<br />

envisager dans la première méditation des Méditations Métaphysiques : si seule la perception nous est accessible,<br />

alors effectivement le monde pourrait n’avoir aucune substance et n’être qu’une illusion provoquée par un malin<br />

génie. « Toutefois il y a longtemps que j'ai dans mon esprit une certaine opinion, qu'il y a un Dieu qui peut tout,<br />

et par qui j'ai été créé et produit tel que je suis. Or qui me peut avoir assuré que ce Dieu n'ait point fait qu'il n'y<br />

ait aucune terre, aucun ciel, aucun corps, aucune étendue, aucune figure, aucune grandeur, aucun lieu, et que<br />

néanmoins j'aie les sentiments de toutes ces choses, et que tout cela ne me semble point exister autrement que je<br />

le vois ? Et même, comme je juge quelquefois que les autres se méprennent, même dans les choses qu'ils pensent<br />

savoir avec le plus de certitude, il se peut faire qu'il ait voulu que je me trompe toutes les fois que je fais<br />

l'addition de deux et de trois, ou que je nombre les côtés d'un carré, ou que je juge de quelque chose encore plus<br />

facile, si l'on se peut imaginer rien de plus facile que cela. Mais peut-être que Dieu n'a pas voulu que je fusse<br />

déçu de la sorte, car il est dit souverainement bon. Toutefois, si cela répugnerait à sa bonté, de m'avoir fait tel<br />

que je me trompasse toujours, cela semblerait aussi lui être aucunement contraire de permettre que je me trompe<br />

quelquefois, et néanmoins je ne puis douter qu'il ne le permette. […]Je supposerai donc qu'il y a, non point un<br />

vrai Dieu, qui est la souveraine source de vérité, mais un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que<br />

puissant, qui a employé toute son industrie à me tromper. Je penserai que le ciel, l'air, la terre, les couleurs, les<br />

figures, les sons et toutes les choses extérieures que nous voyons, ne sont que des illusions et tromperies, dont il<br />

se sert pour surprendre ma crédulité. Je me considérerai moi-même comme n'ayant point de mains, point d'yeux,<br />

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