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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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du réel ; à l’inverse, il existe un langage connoté positivement qui sera l’acte poétique défini<br />

par l’harmonie de sa musique.<br />

Toutefois ces deux langages ne sont pas intrinsèquement différents. <strong>Le</strong> point de départ<br />

reste nécessairement le langage ordinaire, vulgaire, mais pour atteindre la parole poétique il<br />

faudra abandonner la superficialité, c’est-à-dire ne plus reconnaître la norme, la fixité du<br />

langage commun. D’un point de vue doxique, cette attitude revêt un caractère paradoxal<br />

puisque pour le plus grand nombre la poésie est ressentie comme un langage aux formes<br />

normées et fixes bien plus rigides. N’entendons-nous pas encore parfois des définitions naïves<br />

du poème à partir du nombre de syllabes et de la forme classique, la rime, malgré la<br />

révolution du vers libre et l’éclatement du poème classique initiées au XX ème siècle ? 298 Ainsi<br />

ancrer l’acte poétique dans l’arbitraire semble pour la doxa une approche fort peu poétique 299 .<br />

Or l’obstacle principal du langage commun pour accéder au réel était la norme et la<br />

fixité. Dès lors que l’on s’en dégage, il semble cohérent de retrouver une part de réel dans ce<br />

nouveau type de langage plus libre et plus souple. On trouve ainsi une sorte de retour au réel<br />

par le biais du poème comme dans cet exemple de El lugar del síntoma :<br />

Este poema añade a mi vocabulario<br />

palabras que olvidé contra la sombra,<br />

me señala caminos que jamás transité<br />

porque hay siempre algo nuevo para ser nombrado,<br />

palabras vagabundas donde yacer con ella,<br />

donde el tiempo de un cuerpo es más real. 300<br />

<strong>Le</strong> poème se termine par un regard métapoétique sur l’apport de l’écriture poétique à<br />

la voix. Or l’effet final est celui du gain de réalité : le poème, malgré sa nature langagière qui<br />

le sépare du réel et du moment présent, parvient à un temps plus réel. Cela laisse entendre que<br />

l’acte poétique est non seulement plus proche du réel que le langage vulgaire, mais peut-être<br />

aussi que la perception habituelle du monde. <strong>Le</strong> poème serait alors l’accès à un réel<br />

« supérieur », qui engloberait et le réel habituellement connu et ce qui est généralement<br />

appelé la fiction 301 .<br />

298<br />

Nous prenons pour exemple la définition que font les enfants de la poésie. Il est évident que pour les<br />

spécialistes, la poésie est un langage d’une bien plus grande liberté au-delà de toutes les contraintes formelles<br />

puisqu’elle mène à de nouveaux rapports paradigmatiques.<br />

299<br />

Sur les rapports dans l’œuvre de Jenaro Talens entre le <strong>paradoxe</strong> et la spécificité de l’écriture poétique, voir la<br />

troisième partie.<br />

300<br />

LA, p. 170.<br />

301<br />

La résolution du conflit entre réel et langage est donnée par Jenaro Talens (cf. infra, p. 135 note 277) : en<br />

distinguant un réel prélangagier d’une réalité langagière, le poète définit deux niveaux d’expérience et de<br />

signifiance. <strong>Le</strong>s critiques reprennent cette distinction et l’appliquent à sa poésie qui serait une tentative de<br />

137

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