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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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Il y a donc un temps du réel, l’instant, et un temps de la fiction, l’histoire. La<br />

distinction se fait par l’existence ou non de la durée. Or comme l’annonce la troisième partie<br />

de L’estrategia de l’alba :<br />

(…) el dia és temps i el temps mai no coneix la duració. 347<br />

Par ailleurs le réel étant relié à ce temps instantané, il en acquiert les mêmes<br />

caractéristiques, dont l’absence de durée comme le signifient ces trois vers de El otro, su<br />

mirada :<br />

ningún rostro es real<br />

la realidad no dura mucho tiempo<br />

hecha palabras que se extinguen 348<br />

<strong>Le</strong> même visage que nous avions vu précédemment au sein d’une dissociation est à<br />

nouveau nié par un schéma identique : la vision du visage, la sensation appartient à la réalité,<br />

mais dès que le langage lui attribut le mot visage il bascule dans la fiction. C’est ainsi que la<br />

réalité ne dure pas longtemps, tout juste le temps précédent la saisie langagière d’une<br />

sensation, et au mieux une journée, c’est-à-dire, le moment où la sensation de présent est<br />

encore trop forte pour être intégrée à la mémoire.<br />

Cependant si la mémoire induit un temps fictif, elle peut aussi amener à une<br />

perception ancrée dans le réel. Il convient effectivement de différencier d’une part l’acte<br />

volontaire de mémoire – l’histoire – qui n’est que mental et langagier, et d’autre part l’acte<br />

involontaire de mémoire qui se passe du langage. C’est pourquoi le processus de<br />

séparé des deux précédents en ce « qu’il est organiquement lié à l’exercice de la parole, qu’il se définit et<br />

s’ordonne comme fonction de discours » (Ibid, p. 73). Benvéniste attribue des caractéristiques aux deux derniers<br />

niveaux de temps qui les rapprochent de notre thématique. Premièrement il affirme que « l’organisation du temps<br />

chronique est en en réalité intemporelle. On n’énonce ici aucun <strong>paradoxe</strong>. » (Ibid, p. 72) La dernière phrase est<br />

tout à fait révélatrice : dire que le temps chronique n’est en fait pas un temps est un <strong>paradoxe</strong> étymologique ; ce<br />

n’est en revanche pas un <strong>paradoxe</strong> logique ou philosophique en ce qu’une simple phrase suffit à le comprendre<br />

(« Intemporel, ce temps mesuré par le calendrier l’est en vertu de sa fixité même »). Deuxièmement le temps<br />

linguistique tel qu’il le définit provoque de l’aveu même de l’auteur ce sentiment de perplexité étonnée propre au<br />

sentiment paradoxal : « on arrive ainsi à cette constatation – surprenante à première vue, mais profondément<br />

accordée à la nature réelle du langage – que le seul temps inhérent à la langue est le présent axial du discours, et<br />

que ce présent est implicite » (Ibid, p. 75). <strong>Le</strong> temps linguistique qui est celui des catégories temporelles du<br />

passé, présent et futur, des conjugaisons, est de ce fait constamment inscrit dans le présent de l’instance de<br />

parole. Là encore la doxa du temps est bousculée, mais cette affirmation n’en est pas pour autant un <strong>paradoxe</strong><br />

philosophique puisque Benvéniste le démontre au sein d’une analyse. Nous le voyons, le temps réel de l’individu<br />

ou du langage n’est pas celui avancé par la doxa.<br />

347<br />

LA, p. 199.<br />

348<br />

LA, p. 291.<br />

158

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