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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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dissemblance entre les syllabes, c’est-à-dire par les parallélismes existants. Jakobson voit<br />

ainsi dans le parallélisme le « problème fondamental de la poésie » 66 .<br />

Que le discours poétique s’organise à partir de la structure phonique, des parallélismes<br />

de tous genres (sémantiques, grammaticaux, rimiques, morphologiques, etc., mais aussi<br />

métaphores, comparaisons, paraboles, etc.) ne signifie pas cependant que Jakobson vide de<br />

sens le poème pour en faire une architecture creuse, une structure musicale, phonique séparée<br />

de tout sémantisme. Au contraire, les rapprochements de sons induisent des rapprochements<br />

de sens : « l’équivalence des sons, projetée sur la séquence comme son principe constitutif,<br />

implique inévitablement l’équivalence sémantique » 67 . La conséquence est alors que les effets<br />

de sons sont indissociables des effets de sens. Jakobson en conclut que le sens en poésie est<br />

principalement construit par les effets de parallélismes et d’oppositions, auxquels sont reliés<br />

les effets de spatialisation (la forme physique du poème sur la page, la place des mots, des<br />

divisions strophiques, etc.) et les effets d’images (et particulièrement des oxymores).<br />

Si la théorie jakobsonienne est parfois connue à travers ses excès structuralistes et<br />

autotéliques provoquant la disparition du poète/lecteur au profit d’une autonomie textuelle 68 ,<br />

il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une avancée importante particulièrement dans les<br />

outils spécifiques pour l’étude des poèmes (à travers le jeu des parallélismes). Néanmoins<br />

Jakobson centre ses concepts principalement sur l’objet, sur le poème, laissant de côté le sujet,<br />

le lecteur. Or dans la mesure où le texte poétique permet une grande implication du lecteur 69 ,<br />

66 Ibid. p. 235.<br />

67 Ibid. p. 235.<br />

68 Dans le petit ouvrage de présentation générale Roman Jakobson, Ed. Bertrand-Lacoste, Paris, 1993, Daniel<br />

Delas fait le point sur les critiques parfois bien excessives qui sont faites au poéticien : face à l’image préconçue<br />

d’un Jakobson rejetant tout rapport entre le texte et le monde dans un structuralisme à l’autotélisme et à<br />

l’autoréférentialité purs, il convient de nuancer la situation et de distinguer le discours théorique de Jakobson (où<br />

il reconnaît que le poème a deux référents, lui-même et le monde, et par là considère qu’il est ouvert et fermé) et<br />

son activité pratique où « il est certain [qu’il] s’est laissé aller au vertige des parallélismes ».<br />

69 Si la théorie de la réception s’est largement occupée du genre romanesque, elle a en revanche été moins<br />

précise et complète sur la réception du poème. A notre connaissance, aucune étude approfondie sur cette<br />

particularité n’en présente une synthèse. Or, le lecteur de poésie s’implique énormément en poésie. <strong>Le</strong>s causes en<br />

sont variées. Premièrement l’objectif de l’écriture poétique diffère de celui du roman par exemple, et par là<br />

l’attitude de l’auteur sera aussi distincte. Ricoeur par exemple dans La métaphore vive utilise le terme anglais<br />

mood pour traduire cet objectif particulier. Par rapport au roman, la polysémie en poésie est encore accrue (et<br />

valorisée). Elle se doit à la disparition des points de certitude (qui vont amener le lecteur à être attentif à d’autres<br />

outils textuels), c’est-à-dire à la disparition des superstructures narratives au profit de simples scénarios<br />

communs (nous utilisons le vocabulaire d’Umberto Eco), et à la présence d’un contexte relativement imprécis<br />

(par la faible densité d’éléments contextuels comme des dates, noms, lieux, etc.). Dès lors la hiérarchisation et le<br />

choix des signification dépendra beaucoup plus du lecteur. Par ailleurs, il semblerait que le pacte de lecture soit<br />

moins visible en poésie. D’une part persiste encore parfois la croyance naïve que le poète communique avec le<br />

lecteur (comme en atteste la lacune terminologique : si le roman distingue l’auteur, le narrateur, le narrataire et le<br />

lecteur, aucune terminologie aussi précise ne permet de le faire pour le poème). Ensuite le partage du je si<br />

présent en poésie réunit artificiellement auteur et lecteur jusque dans le corps par l’oralité de la voix poématique.<br />

Enfin, les invariants psychiques peuvent coïncider entre l’auteur et le lecteur (d’autant plus que les thématique<br />

les plus habituelles en poésie leur sont assez proches) et invitent donc ce dernier à réinvestir avec force le texte.<br />

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