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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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Il faut attendre le XXème siècle pour que ce point de vue change et que l’adéquation<br />

langage/logique soit remise en cause. Avec l’avènement des nouvelles mathématiques et le<br />

renouveau de la logique qui ne se contente plus de la logique bivalente aristotélicienne, le<br />

langage montre ses limites et son imprécision : il n’est plus ressenti comme capable<br />

d’exprimer correctement les opérations logiques de la pensée, mais au contraire sa grammaire<br />

semble les déformer, ou pour le moins, les brouiller. Pour Gottlob Frege le langage est trop<br />

polysémique et intuitif : « il ne satisfait pas à la condition ici primordiale, celle d’univocité.<br />

[…] Parmi de nombreux exemples on citera le cas typique fort commun : c’est le même mot<br />

qui sert à désigner un concept et un objet particulier tombant sous ce concept (…) ». On lira<br />

encore quelques lignes plus loin que « presque toujours le langage ne donne pas, sinon<br />

allusivement, les rapports logiques ; il les laisse deviner sans les exprimer proprement » 38 . Par<br />

la suite, Robert Blanché ira plus loin en démontrant la nécessité de créer un langage logique<br />

nouveau puisque dans le langage commun « la syntaxe est aussi trompeuse que le<br />

vocabulaire » 39 . Effectivement non seulement la grammaire ne traduit qu’imparfaitement les<br />

lois logiques, mais le sémantisme des mots est trop étendu, historiquement chargé et connoté<br />

pour pouvoir être réellement logique. Par ailleurs, le langage logique est muet, ne saurait être<br />

phonétique, d’où la nécessité d’une idéographie. C’est pourquoi Robert Blanché définit un<br />

langage à partir de « la substitution, aux grammaires de nos langues naturelles, d’une<br />

grammaire où les formes du discours soient exactement calquées sur les formes logiques. » 40<br />

Cependant l’application de ces remarques à propos de la relation entre le langage et la<br />

logique s’appliquent avec difficulté sur le domaine que nous étudions, la poésie. En effet, la<br />

confrontation langage/logique ne se fait pas dans l’absolu mais au regard de ce qu’on souhaite<br />

analyser. Or dans le cas des exemples cités ci-dessus, l’objet d’étude était la pensée, le monde,<br />

alors que le nôtre est la poésie talensienne, laquelle ne se compose par définition que du<br />

langage. Puisque toute idée de relation directe avec le référent réel du lecteur est à rejeter (les<br />

poèmes sont une fiction langagière), l’objectif n’est pas ici de rechercher si les propositions<br />

paradoxales seraient en relation avec la logique du réel du lecteur, mais de savoir quel est<br />

l’usage que fait ce discours de la logique au sein de sa propre nature langagière.<br />

contraire à ce qui est enfermé dans l’idée de Dieu. » ARNAULT, Antoine, NICOLE, Pierre, La logique ou l’art<br />

de penser (1662), Flammarion, Paris, 1970, p. 156.<br />

Nous verrons plus loin que cet usage du verbe être (donner une égalité ou équivalence dans une proposition<br />

affirmative ; donner une opposition dans une phrase négative) se retrouve <strong>chez</strong> Jenaro Talens.<br />

38<br />

FREGE, Gottlob, « Que la science justifie le recours à une idéographie » (1882), Ecrits logiques et<br />

philosophiques, Paris, Seuil, 1994, pp. 64-65.<br />

39<br />

BLANCHE, Robert, Introduction à la logique contemporaine, Armand Collin, Paris, 1968, p. 17.<br />

40<br />

Ibid. p. 15.<br />

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