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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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attendue, à savoir au sein même de la vie. Selon la doxa en effet, s’il y a la vie, il n’y a pas la<br />

mort, et les deux paradigmes qui en découlent sont contraires l’un à l’autre. Néanmoins le<br />

vers apertural du poème La verdad es concreta annonce abruptement :<br />

morir a cada instante 332<br />

L’expérience de l’instant induit dans la doxa la notion d’existence, d’être au monde,<br />

c’est-à-dire de vivre. L’affirmation est paradoxale en ce que mourir est en revanche ressenti<br />

comme une expérience unique qui ne peut pas ainsi être reconnue à chaque instant mais qui<br />

ne prend lieu que dans un moment, à la fin de la vie. Si dans la doxa la vie est continuité, la<br />

mort est présentée comme instantanéité. Dès lors attribuer les caractéristiques de l’un à<br />

l’autre est contradictoire.<br />

Ce premier type d’intrusion de la mort dans le paradigme de la vie s’accompagne<br />

d’un autre beaucoup plus commun, mais toujours inacceptable pour la doxa, celle de l’image<br />

du fantôme 333 . En effet, les cas où les morts, les fantômes interviennent dans le monde du<br />

vivant, voire se substituent aux vivants sont courants comme dans cet exemple de Piedras<br />

inscritas :<br />

son estos muertos los que narran, los<br />

que reconstruyen y dialogan y<br />

dicen que no, la historia<br />

no ha terminado<br />

escriben<br />

desde el residuo de su opacidad. 334<br />

332 CS, p. 180. L’assertion n’est pas sans faire penser au célèbre « quotidie morimur » de Sénèque dans ses<br />

<strong>Le</strong>ttres à Lucilius : « Memini te illum locum aliquando tractasse, non repente nos in mortem incidere, sed<br />

minutatim procedere. Quotidie morimur; quotidie enim demitur aliqua pars vitae, et tunc quoque cum crescimus<br />

vita decrescit. Infantiam amisimus, deinde pueritiam, deinde adulescentiam. Usque ad hesternum quidquid<br />

transit temporis perit; hunc ipsum quem agimus diem cum morte dividimus. Quemadmodum clepsydram non<br />

extremum stilicidium exhaurit sed quidquid ante defluxit, sic ultima hora qua esse desinimus non sola mortem<br />

facit sed sola consummat; tunc ad illam pervenimus, sed diu venimus. / Vous développiez cette pensée si vraie :<br />

nous ne tombons pas tout d’un coup dans la mort, mais nous y avançons pas à pas. Nous mourons chaque jour ;<br />

chaque jour nous enlève une partie de notre existence, et, plus nos années s’accroissent, plus notre vie décroît.<br />

L’enfance nous échappe, puis l’adolescence, puis la jeunesse : tout le temps passé jusqu’à ce jour est perdu pour<br />

nous, et même, ce jour présent, nous le partageons avec la mort. Ce n’est pas la dernière goutte écoulée qui vide<br />

une clepsydre, ce sont toutes celles qui l’ont précédée : ainsi notre heure dernière ne fait pas à elle seule la mort,<br />

mais seule elle la consomme. Alors nous arrivons au terme, mais nous y marchions depuis longtemps. »<br />

SENEQUE, <strong>Le</strong>ttres à Lucilius, lettre XXIV, Ed. <strong>Le</strong>s Belles <strong>Le</strong>ttres, Paris, 1992, 5 tomes.<br />

333 <strong>Le</strong> thème du fantôme est explicitement abordé par Jenaro Talens dans le prologue de son livre Orfeo filmado<br />

en el campo de batalla, Hiperion, Madrid, 1994. Par ailleurs Juan Carlos Fernandez Serrato l’étudie au sein de<br />

son introduction à l’anthologie Cantos Rodados, Cátedra, Madrid, 2002, p. 68 et suivantes.<br />

334 LA, p. 14.<br />

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