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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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Nous le voyons, la notion de durée est fondamentale dans les parallélismes basés sur<br />

l’idée de persistance. En regard de ce que nous décrivions plus haut, cela signifierait alors<br />

que ces propositions paradoxales sont à séparer du réel, et à rapprocher de la fiction. Or, rien<br />

n’est moins sûr. En effet, que la source, l’événement disparaisse du monde entourant le moi<br />

poématique n’induit pas pour autant que sa perception disparaisse aussi vite. En cela la<br />

persistance n’est pas véritablement un effet de la mémoire consciente mais plus le signe que<br />

la perception laisse dans le sujet comme l’empreinte de l’objet perçu. Selon l’exemple déjà<br />

utilisé dans la première partie qui est tout à fait représentatif 352 , la durée d’existence du son<br />

de l’orchestre dans le réel (c’est-à-dire son existence immédiate dans le mouvement présent)<br />

ne correspond pas à la durée de la perception (c’est-à-dire la perception effective dans le<br />

même mouvement présent). Nous ne voyons pas là une recréation mentale due à la mémoire<br />

volontaire car il n’y a pas eu de rupture de la sensation. La persistance n’est donc pas la<br />

mémoire, car si cette dernière est un phénomène langagier, mental, inscrit dans le passé, le<br />

premier est corporel, présent et non conceptuel 353 . Cela signifie que la persistance est plus du<br />

domaine du réel que de la fiction.<br />

La persistance implique ainsi plusieurs niveaux de temps et de réel : il y aurait<br />

d’abord le temps présent du monde, immédiateté infinie sans passé ni futur ; il y aurait<br />

ensuite le temps mental, conceptuel et langagier de l’histoire divisé en trois époques et pour<br />

lequel le présent est tout à fait inaccessible ; enfin, il y aurait le temps perçu du moi qui serait<br />

dans l’entre-deux : sans être encore une récupération discursive de la mémoire, il entrerait<br />

dans le champ du présent réel interne au sujet tout en contenant néanmoins une certaine<br />

durée issue du fonctionnement de la mémoire par empreintes successives. C’est pourquoi le<br />

temps du moi peut se définir par un instant présent dilatable à la durée de la journée.<br />

Mais à ne plus reconnaître distinctement le passé, le présent ou le futur, à associer<br />

ainsi le début avec la fin, la question qui vient alors est de savoir ce qu’il reste du temps 354 .<br />

352<br />

« Así como persiste el sonido de la orquesta más allá / de la orquesta y su invisible percepción / por invisibles<br />

ojos que no escuchan », CS, p. 113.<br />

353<br />

Ce phénomène de l’empreinte sensitive sur le corps (qui n’est pas du domaine du langage donc) est une<br />

expérience que l’on retrouve dans la perception d’une détonation par exemple : le temps de l’explosion sera très<br />

bref, en revanche sa sensation pourra persister dans le corps du sujet pendant quelques instants encore. Il en va<br />

de même avec le rêve : une fois réveillé, il est possible de continuer à ressentir l’impression laissée par le rêve.<br />

C’est pourquoi nous parlons d’empreinte sensorielle.<br />

354<br />

Tous les poèmes cependant ne présentent pas cette association début/fin. Non seulement en effet certains<br />

textes instaurent un temps tout à fait habituel organisé autour d’un départ et d’une arrivée, mais nous trouvons<br />

même des vers extraits de Paradís rejettant explicitement l’association début/fin dans le domaine du mythe :<br />

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