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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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formule du titre du recueil de Jenaro Talens publié en 1978 El cuerpo fragmentario, nous<br />

pouvons dire que le moi poématique talensien est tout à fait paradoxal dans son essence<br />

fragmentaire, ou rhizomatique pour reprendre le terme d’un article consacré au poète 359 .<br />

<strong>Le</strong> moi en poésie est un élément incontournable et omniprésent qui, d’ailleurs, est un<br />

sujet de réflexion récurrent tant <strong>chez</strong> les poètes que <strong>chez</strong> les critiques. <strong>Le</strong> moi est l’entité qui<br />

soutient et assume les paroles des poèmes. En cela il est une entité langagière qui ne prend<br />

corps que dans les textes, aussi avons-nous choisi la dénomination de moi poématique. Au<br />

sein de cet espace de mots, il est tout autant le sujet individuel de chaque poème, que la voix<br />

générale parcourant toute l’œuvre d’un auteur. Il se verra attribuer des caractéristiques, qui<br />

peuvent être contradictoires d’un poème à l’autre : outre un nom, le moi peut se définir par<br />

un sexe particulier 360 , mais aussi par un corps physique (particulièrement le visage, la peau,<br />

liés au thème du regard, du miroir et du masque dans la poésie talensienne). Il donne à<br />

connaître certaines de ses sensations ou émotions issues de ses relations avec lui-même,<br />

autrui et le monde. Enfin, le moi est bien souvent relié à une voix (commune et individuelle<br />

donc) qui oscille entre oralité et écriture. <strong>Le</strong> moi poématique est de par sa nature, nous le<br />

voyons, une notion plurielle (il est le poème, l’ensemble des poèmes et ce qu’ils contiennent)<br />

qui n’en reste pas moins une unité nécessaire : le moi poématique dès le départ ne peut par<br />

conséquent s’enfermer dans une définition fermée et réductrice.<br />

Jenaro Talens a une conscience aiguë de cette essence ouverte et problématique<br />

puisqu’il traite largement le sujet non seulement dans ses écrits théoriques 361 mais aussi au<br />

un autre la problématique du moi poématique talensien, pour quasiment toujours l’opposer au sujet cartésien.<br />

Ainsi par exemple José Luis Ángeles associe-t-il <strong>chez</strong> Talens une critique du langage, du sujet et de la raison<br />

(« La poesía en marcha (hacia la desalienación). Algunas clave de lectura a la producción de Jenaro Talens », in<br />

Mi oficio es la extrañeza, FERNANDEZ SERRATO (ed.), Madrid, Biblioteca Nueva, 2007, pp. 24 et suivantes).<br />

René Jara dans La modernidad en litigio oppose de la même façon 1) « la concepción del sujeto como una<br />

entidad liberal, humanista y burguesa », appartenant à « la modernidad y al modernismo » et qui se caractérise<br />

par sa « construcción institucional y canónica », c’est-à-dire par l’ignorance de « la contradicción » ; et 2) le<br />

sujet talensien post-moderniste qui est « negación y tachadura del sujeto, impersonalidad », « configuración<br />

vacía, una exigencia gramatical o una necesidad lógica que acompaña las representaciones » qui se determine par<br />

son caractère « desdoblado » et par « la fragmentación », c’est-à-dire par la contradiction.<br />

359<br />

SILVA ECHETO, Victor Manuel, BROWNE SARTORI, Rodrigo Francisco, En torno a la poética de Jenaro<br />

Talens : una escritura nómada y rizomática, article en ligne sur site de la Universidad Complutense de Madrid à<br />

l’adresse suivante : http://www.ucm.es/info/especulo/numero21/talens.html. Rappelons que l’image du rhizome<br />

est emprunté à Deleuze et Guattari : ils s’en servent comme titre de l’introduction de leur ouvrage Mille<br />

Plateaux, Capitalisme et schizophrénie, Editions de Minuit, Paris, 1980.<br />

360<br />

Chez Jenaro Talens, il est en général masculin, mais peut parfois être féminin comme dans la deuxième partie<br />

du poème Cuaderno de otoño, LA, p. 159.<br />

361<br />

Ne réunit-il pas effectivement ses principaux essais sous le titre de El sujeto vacío, Cátedra, Madrid, 2000 ? Il<br />

y définit le moi poématique dans l’introduction éponyme (Vicisitudes de la identidad de la lectura como diálogo<br />

o el sujeto vacío) : le texte est un espace vide, un sujet vide que le lecteur remplit ; s’instaure alors un dialogue<br />

entre le sujet vide textuel qui est l’espace permettant l’existence et le sujet de la lecture qui est le développement<br />

de l’existence. Remarquons par ailleurs que dans cet essai, Jenaro Talens s’appuie sur les théories de Hume,<br />

mais aussi de Kant, Hegel et Marx pour reprendre la distinction entre un moi naturel immédiat (« Ese<br />

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