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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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sentiment de soi, et ne pas avoir à assumer la faiblesse de sa nature. Effectivement, la double<br />

nature de la doxa, commune et individuelle, donne au sujet tout aussi bien la possibilité de<br />

s’attribuer les aspects valorisants que de rejeter sur les autres les moments où la doxa est<br />

gênante 54 . Elle est alors soit un faire valoir, soit un bouc émissaire. En tout état de cause elle<br />

est au service de l’ego qu’il faut sans cesse rassurer en lui signifiant sa supériorité. Dans une<br />

certaine mesure la doxa sert le narcissisme du sujet.<br />

L’objectif de ce travail n’est pas de mettre au jour la doxa particulière et personnelle<br />

de Jenaro Talens ainsi que son évolution entre 1964 et 1991. En effet cela serait faire fi de la<br />

séparation entre l’information biographique d’un auteur et la réalité de la voix poématique<br />

dans son œuvre 55 même si des relations existent entre les deux (par exemple dans notre cas<br />

nous pouvons percevoir en filigrane dans la voix poématique un attrait pour la réflexion<br />

intellectuelle, pour le rock, une certaine revendication politique de gauche, une approche<br />

sémioticienne du fait poétique, etc. qui sont communs avec le poète).<br />

La doxa prise en compte est donc beaucoup plus vaste. Ce ne sera pas la doxa<br />

individuelle d’un auteur, d’un lecteur, mais celle commune qui régit peu ou prou la société<br />

occidentale de la fin du XXème siècle, et par là la réception générale de l’œuvre talensienne<br />

dans nos sociétés. Or, pour nous, cela se résume à l’adoption de la loi bivalente de l’être face<br />

au non-être et sa traduction logique dans l’organisation du monde et de la pensée, à<br />

54 Heidegger, dans ses remarques sur le ‘on’ s’approche de cette idée. <strong>Le</strong> sujet peut choisir de participer ou non<br />

dans ce que définit le ‘on’. C’est très commode pour l’individu qui peut prendre ce qui l’intéresse (ce qui le<br />

valorise) et laisser aux autres ce qui pourrait lui nuire, le dévaloriser : « En usant des transports en commun ou<br />

des services d'information (des journaux par exemple), chacun est semblable à tout autre. Cet être-en-commun<br />

dissout complètement l'être-là qui est mien dans le mode d'être d' "autrui", en telle sorte que les autres n'en<br />

disparaissent que davantage en ce qu'ils ont de distinct et d'expressément particulier. Cette situation<br />

d'indifférence et d'indistinction permet au "on" de développer sa dictature caractéristique. Nous nous amusons,<br />

nous nous distrayons, comme on s'amuse ; nous lisons, nous voyons, nous jugeons de la littérature et de l'art,<br />

comme on voit et comme on juge ; et même nous nous écartons des "grandes foules" comme on s'en écarte ;<br />

nous trouvons "scandaleux" ce que l'on trouve scandaleux. <strong>Le</strong> "on" qui n'est personne de déterminé et qui est tout<br />

le monde, bien qu'il ne soit pas la somme de tous, prescrit à la réalité quotidienne son mode d'être.<br />

[...] <strong>Le</strong> "on" se mêle de tout, mais en réussissant toujours à se dérober si l'être-là est acculé à quelque<br />

décision. Cependant, comme il suggère en toute occasion le jugement à énoncer et la décision à prendre, il retire<br />

à l'être-là toute responsabilité concrète. <strong>Le</strong> "on" ne court aucun risque à permettre qu'en toute circonstance on ait<br />

recours à lui. Il peut aisément porter n'importe quelle responsabilité, puisque à travers lui personne jamais ne<br />

peut être interpellé. On peut toujours dire : on l'a voulu, mais on dira aussi bien que "personne" n'a rien voulu. »<br />

HEIDEGGER L'Etre et le Temps, tr. fr. Boehms & Waelhens, I:1, §. 27, éd. Gallimard, pp. 159-160<br />

55 Sur le rejet d’une lecture biographique de son œuvre, Jenaro Talens est tout à fait explicite dans son<br />

« Prólogo » qui ouvre Cenizas de sentido : « Nunca me atrajo la farsa de la comunicación ni me sedujo el énfasis<br />

soberbio de contar mi vida (…) asumiendo que alguien tenga algo que decir a los demás o a sí mismo. El papel<br />

del poeta predicando la buena nueva de sus experiencias vitales o de su tristeza post-cogitum me resulta<br />

extrañamente patético. ¿Cómo puede alguien enorgullecerse de añadir un poco más de ruido al general zumbido<br />

de las moscas ? ». La séparation auteur et voix poématique est evidemment assumée de la même façon par la<br />

critique comme dans cet exemple de Juan Carlos Fernández Serrato : « el error que supone identificar el yo lírico<br />

(voz del sujeto discursivo) con el sujeto real (el autor) », « Introducción », TALENS, J. Cantos Rodados,<br />

Madrid, Cátedra, 2002, p. 51.<br />

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