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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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l’existence d’un rythme révélé par la métrique qui ne correspond plus à la mise en page, c’est-<br />

à-dire ce que nous avons appelé rythme caché. Se dégagent alors trois niveaux de rythmes :<br />

celui du vers, de la syntaxe, et celui du rythme caché. L’ensemble de ces procédés ainsi<br />

que l’emploi massif d’enjambements très abrupts mènent au relatif effacement de leurs<br />

différences. Nous utilisons le terme ‘relatif’ car rien n’est absolu, tout est affaire de point de<br />

vue momentané, car il n’y a pas de poésie en soi, seuls demeurent les poèmes et leurs rythmes<br />

particuliers. Nous avons vu les procédés qui mènent à ne plus séparer en essence les rythmes :<br />

l’opposition vers / prose est là mais les vers se font ressentir dans la prose ; les mètres<br />

traditionnels côtoient sans cesse des vers que le canon métrique ne reconnaît pas ; la mise en<br />

page amène à ne plus savoir clairement si un vers est un heptasyllabe ou l’hémistiche d’un<br />

alejandrino (brouillant la définition des mètres) ; les vers cachés ne permettent plus de savoir<br />

réellement quel rythme suivre et les enjambements si nombreux obligent à des pauses<br />

inacceptables pour la syntaxe. <strong>Le</strong>s répartitions et les définitions traditionnelles des niveaux<br />

rythmiques sont ainsi éclatées : elles continuent d’être là tout en s’entremêlant, en se<br />

superposant. <strong>Le</strong>s frontières entre chaque niveau deviennent floues et un type de rythme<br />

s’accompagne en filigrane des autres. L’image du fantôme importante <strong>chez</strong> Jenaro Talens et<br />

qu’étudie Juan Carlos Fernández Serrato 614 est ici tout à fait adaptée : tous les vers sont<br />

parcourus par les ombres rythmiques qui font ressentir leur présence sans jamais être<br />

véritablement visibles. La raison pourrait être que tous ces niveaux partagent en essence la<br />

même nature. Ils ne sont pas en soi séparés, donc séparables : l’un comprend et évoque les<br />

autres. <strong>Le</strong> dogme du canon rythmique n’est plus, la doxa est mise à terre : la distinction<br />

traditionnelle entre d’une part le vers comme forme isolée sur une ligne structurée par une<br />

certaine accentuation et de l’autre la prose composée d’unités syntaxiques sans régularité<br />

métrique est rendue caduque dans les poèmes talensiens. Nous pouvons bien parler de rythme<br />

paradoxal.<br />

Mais ce n’est pas la seule dimension paradoxale du rythme talensien : au-delà de la<br />

démonstration d’une essence commune rythmique qui se manifeste sous de multiples visages<br />

(mètres, tradition, prose, etc.), il y a <strong>chez</strong> Jenaro Talens un choix qui rejoint la perspective<br />

paradoxale : celui de la perte de repère. Que le canon métrique soit brisé amène le lecteur à<br />

une perte de repère, à une dimension de confusion toujours plus ou moins présente <strong>chez</strong> le<br />

poète est une chose. Mais l’importance de la silva, des enjambements, de la frustration<br />

614 Introduction, in Cantos Rodados, Madrid, Cátedra, 2001.<br />

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