UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

voyons, l'analyse de Nietzsche dépasse la dualité pour une vision non-duelle de la réalité. Si
en fin de compte, le bien n'est qu'un mal déguisé et que le mal vise les mêmes fins que le bien,
est-ce-à dire alors que tout se vaut? La non-dualité n’inverse pas les pôles mais dépasse leur
opposition. Cependant Talens ne se situe jamais sur le plan de la morale mais des valeurs, il
s'agit donc d'oppositions des pôles négatifs/positifs, en dehors de tout jugement.
Les énoncés paradoxaux dans les poèmes de Talens sont donc souvent constitués de
paires que la doxa définit en tant que valeurs opposées comme vie/mort, violence/douceur,
nuit/jour, silence/son, ombre/lumière. Si dans toutes ces paires, un pôle est considéré
doxiquement chargé de valeur positive, le poète bouleverse cette vision du monde 703 .
Le thème de la mort est l’un des plus fréquents dans les poèmes, or elle n'a pas
toujours la valeur absolument négative qu'elle a en Occident, bien que de nombreuses
croyances, philosophies et religions n'y voient pas la fin de toute chose. Dans le poème El
Cementerio s’annule par exemple l'opposition mort/vie, et partant, l’opposition valeur
négative/ valeur positive par un refus de la dualité représentée par le couple mort/lumière :
(…) Muere
el día. Pero no muere. Nada
muere. Tal vez inicia
su regreso a la sombra,
donde otra luz distinta
le sustituye. Es todo. 704
Nous voyons ici explicité le fonctionnement du dépassement du paradoxe : comment à
partir d'une opposition de deux pôles, mort et jour, (muere, día) repris par ombre et lumière,
se développe une nouvelle réalité (otra luz distinta) qui résulte du dépassement du paradoxe.
Mais quelle nouvelle valeur naît de ce dépassement? Symboliquement, nous pourrions
l'interpréter comme l'affirmation d'une transcendance ou d’une croyance : il y aurait une autre
réalité glorieuse (la lumière) après la mort, dans la renaissance après le passage par l'ombre de
la mort. Le lecteur est libre de voir dans ce paradoxe le symbole d'une vie où l'opposition
humain-divin serait résolue ; mais nous savons par ailleurs que les écrits talensiens écartent
toute transcendance, les derniers mots du poème - es todo - limitent sèchement la possible
signifiance mystique. On peut alors comprendre ces vers comme un constat non duel de la
réalité que le poème exprime mais ne résout pas.
703
Nous avons déjà analysé le contenu sémantique des énoncés dans la deuxième partie.
704
CS, p. 55.
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