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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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Ce rejet du moi vient ensuite émailler régulièrement, et de manière on ne peut plus<br />

explicite, la production du poète comme dans cet exemple de El sol cruza con la noche :<br />

Me miro y no me reconozco.<br />

Esa palabra miente, no soy yo,<br />

ni tampoco morir ; (…) 369<br />

Une fois reconnu le moi comme une erreur, la voix poématique en vient à le nier.<br />

Cependant nier le moi ne signifie pas nier l’existence, le fait d’être. Or c’est sur ce point que<br />

les difficultés apparaissent dans la mesure où la doxa provoque une identification totale entre<br />

l’existence et le moi. La négation porte donc sur la notion du moi, voire sur sa nature qui est<br />

perçue in fine comme artificielle, puisque conceptuelle : le sujet ne se reconnaît pas dans le<br />

moi car c’est un mot, c’est-à-dire une entité langagière qui n’a d’existence que dans le cadre<br />

de la conscience, dans l’intellect mais qui n’appartient pas au réel du corps. <strong>Le</strong> moi implique<br />

ainsi le regard (de l’autre ou de moi-même), le langage et la perte du réel immédiat installé<br />

dans le corps présent 370 .<br />

La reconnaissance du moi comme falsification (soit une entité fausse et fabriquée)<br />

suppose une désidentification de l’être 371 . Mais face à la place libre laissée par le rejet du moi<br />

368 CS, p. 226.<br />

369 LA, p. 114. <strong>Le</strong>s autres exemples sont tous inclus dans la deuxième anthologie, c’est-à-dire datent d’après 1980<br />

(nous formulions l’hypothèse dans la première partie que ce rejet du moi est la conclusion de la recherche du moi<br />

poématique menée auparavant). <strong>Le</strong>s autres occurrences sont les suivantes : « <strong>Le</strong>jos de un aire donde fui, tendido<br />

/ junto a su sombra, toco mi espesor, / un cuerpo ajeno que respira, que / me da nombre y volumen, no soy yo »,<br />

LA, p 19. « Me despierto con el alba para descansar / y oigo voces de nadie / en la voz que tú escuchas / como si<br />

hablara desde mí, / esa voz que dio nombre a tu locura. /…/ Ya no soy yo. », LA, p. 31. « Estoy en medio de la<br />

habitación, / dice, pero ésta no es la habitación de mi / madre, tampoco mía (esa costumbre / gramatical),<br />

escucho y no comprendo, / dice, supongo que otra primavera, /…/ pasos en la sombra, no soy yo (…)», LA, p.<br />

55. « alguien que ya no soy yo / mira el final del pórtico / más allá de este cambio / que es pensamiento imagen /<br />

del día que brota y sus repeticiones », LA, p. 279. « alguien que ya no soy va a contar una historia –», LA, p.<br />

310. Ces cinq autres fragments se basent donc toutes sur la négation de la première personne du singulier<br />

associée en général au pronom personnel sujet. Nous faisons ici figurer le contexte dans lequel ils apparaissent<br />

dans les poèmes afin de bien mettre en relief les autres <strong>paradoxe</strong>s de l’identité qu’ils impliquent et qui les soustendent<br />

(sensation du corps étranger, le glissement de personne, le décalage de la pensée et du langage, etc.). Par<br />

ailleurs nous avons réuni les occurrences de dissociations absolues (de type « no soy yo ») de celles relatives (de<br />

type « ya no soy yo »). Ces dernières ont un impact moindre en ce que leur inscription dans une temporalité avec<br />

un avant et un après implique qu’à une époque il existait peut-être une adéquation entre le sentiment d’existence<br />

et l’affirmation d’un moi.<br />

370 C’est pourquoi les <strong>paradoxe</strong>s de l’identité se retrouvent aussi autour du thème du corps, de l’image et de la<br />

mémoire langagière. Voir les chapitres correspondants.<br />

371 Sur l’essence constitutive du moi, le philosophe écossais David Hume est sans appel : le moi n’existe pas. Il<br />

développe ce point de vue dans son Traité de la nature humaine, (1740), Flammarion, Paris, 1991, Livre 1, 4 ème<br />

partie : «Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que<br />

nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d’existence ; et que nous sommes<br />

certains, plus que par l’évidence d’une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. […] Pour ma<br />

part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle moi, je bute toujours sur une perception<br />

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