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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Le paradoxe chez ... - e-Sorbonne

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<strong>Le</strong>s dissociations du moi mènent donc à une essence première et fondamentale qui se<br />

définit par le <strong>paradoxe</strong> 382 . <strong>Le</strong> moi essentiel n’est finalement qu’une absence d’espace, une<br />

absence de temps et une absence de moi 383 . En ce sens il est un sujet absent, ou un sujet vide<br />

pour reprendre le terme talensien 384 : le moi poématique est un espace qu’un véritable sujet<br />

doit remplir afin de créer une existence propre dans un instant défini. Il est le lieu avant<br />

l’existence et l’identité qui permet à l’identité et à l’existence d’être. Il est ce qui permet au<br />

monde de s’épanouir tant dans une présence que dans une absence.<br />

Néanmoins, l’identité du moi se voit aussi définie à partir de ce que la doxa considère<br />

comme étant séparé de lui. Ce mode d’appréhension du moi se fait alors par l’usage<br />

d’associations paradoxales.<br />

ausencia de artificio » LA, p. 273.<br />

382 Emile Benvéniste situe la dissociation du moi dans la nature même du langage. Selon lui effectivement, le<br />

langage a pour départ le fait que « nous parlons à d’autres qui nous parlent », ce qui a pour double conséquence<br />

que le langage est indissociable du phénomène de la subjectivisation d’une part, et que le langage suppose<br />

nécessairement l’interlocution d’autre part. Ainsi la structure essentielle du langage est le dialogue. Dès lors le<br />

monologue procédant de l’énonciation est une figure du dialogue qui implique une dissociation du moi : « cette<br />

transposition du dialogue où EGO tantôt se scinde en deux, tantôt assume deux rôles, prête à des figurations ou<br />

transpositions psychodramatiques : conflits du « moi profond » et de la « conscience », dédoublement provoqués<br />

par l’ « inspiration », etc. La possibilité est fournie par l’appareil linguistique de l’énonciation sui-réflexive qui<br />

comprend un jeu d’oppositions du pronom et de l’antonyme (je/me/moi) » (Problèmes de linguistique générale<br />

II, BENVENISTE, Emile, Gallimard, Paris, 1974, p. 85). <strong>Le</strong>s propos de Benvéniste semblent trouver exactement<br />

leur écho dans le moi poématique talensien. Par ailleurs, il faut aussi remarquer la grande importance concédée<br />

par Jenaro Talens au dialogue. Voir sur ce point son ouvrage Negociaciones para una poética dialógica,<br />

Biblioteca nueva, Madrid, 2002.<br />

383 La difficulté du moi poématique en tant qu’entité existente en soi <strong>chez</strong> Jenaro Talens est généralement<br />

toujours abordée par la critique. José Luis Ángeles en résume l’origine : « « jamás ha existido el Yo en sí más<br />

que como abstracción desdialectizada y carente de historicidad », « La poesía en marcha (hacia la desalienación).<br />

Algunas claves de lectura de la producción de Jenaro Talens », in Mi oficio es la extrañeza, FERNANDEZ<br />

SERRATO (ed.), Madrid, Biblioteca Nueva, 2007, p. 26. Après l’absence notionnelle de sujet <strong>chez</strong> les Grecs, le<br />

propos est donc de reconnaître l’erreur de la création du sujet cartésien issu du cogito ergo sum pour s’en<br />

extraire. C’est ce que fait Jenaro Talens à partir par exemple de son jeu de mot Coito ergo sum.<br />

384 Là encore trouvons-nous un parallèle avec Emile Benvéniste. En effet, dans son analyse des indices de<br />

personnes Benvéniste sépare le je et le tu d’une part et le il d’une autre part en ce que si ce dernier est un<br />

véritable pronom susceptible de représenter n’importe quel syntagme nominal d’un énoncé, je et tu en revanche<br />

caractérisent « les instances de discours », c’est-à-dire « les actes discrets et chaques fois uniques par lesquels la<br />

langue est actualisée en parole par un locuteur […] le terme je dénotant l’individu qui profère l’énonciation, le<br />

terme tu, l’individu qui y est présent comme allocutaire » (Problèmes de linguistique générale II,<br />

BENVENISTE, Emile, Gallimard, Paris, 1974, p. 82). Dès lors je et tu ne renvoient à rien d’objectif dans<br />

l’espace et le temps, mais seulement à l’énonciation. Je et tu n’ont pas de fonction représentative mais indicative,<br />

c’est-à-dire des « signes « vides », non référentiels par rapport à la « réalité », toujours disponibles, et qui<br />

deviennent « pleins » dès qu’un locuteur les assume dans chaque instance de son discours » (Problèmes de<br />

linguistique générale I, BENVENISTE, Emile, Gallimard, Paris, 1966, p. 254). Nous le voyons, Benvéniste<br />

définissait déjà le je, le yo espagnol, et son corollaire tu comme des sujets vides. Il est remarquable que Jenaro<br />

Talens s’établisse dans une perspective extrêmement proche sans jamais pour autant faire à notre connaissance<br />

de référence directe à Benvéniste.<br />

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