L'Empire grec au dixième siècle; Constantin ... - mura di tutti

LES RUSSES. 377
D'autres avertissements vinrent sans doute à Byzance de la Cher-
sonèse(l). Malgré tous ces avis, il parait certain que Lécapène fut
pris au dépourvu : ses forces de terre et de mer étaient entièrement
occupées contre les Arabes et contre les rebelles d'Italie. Luitprand
assure qu'il ne restait à Byzance que 15 chelandiu^ en mauvais
état, que l'Empereur lit livrer aussitôt aux calfals pour les radoubler.
Ce qui perdit les Russes, c'est qu'ils disséminèrent leurs forces : ils
se mirent à ravager la Bitliynie et la Paphlagonie, à dévaster les
rivages du Bosphore. Ils traitaient leurs prisonniers avec leur ordi-
naire barbarie, les crucitiaient, les empalaient, les prenaient pour but
de leurs flèches ; et, chose singulière, dans une armée où il parait
qu'il y avait déjà des chrétiens, ils s'attaquaient de préférence aux
églises et aux monastères, qu'ils livraient aux flammes, aux prêtres
qu'ils traitaient avec le fanatisme odinique des Normands de France,
prenant plaisir à leur enfoncer des clous dans la tète (2).
Pendant ce temps, les troupes impériales se rassemblaient. Nestor
nous donne une liste assez complète des généraux grecs qui prirent
part à l'affaire : à la tète de 40,000 hommes de l'armée d'Orient,
revenus en toute hâte de TEuphrate, le domestique Pamphile ; à la
tète des Macédoniens, Phocas le patrice ; à la tète des Thraces, Théo-
dore ; à la tête de la flotte, Théophane. Tous les historiens grecs
s'accordent à attribuer le principal r(Me au Protovestiaire Théophane,
célèbre déjà par ses négociations avec les autres barbares ; Bardas
Phocas, stratège émérite sous Lécapène, mais qui sous Constantin Vil
devait reparaître dans les grands commandements, dirigeait en effet
une partie des forces qui opérèrent en Biihynie :
Jean
Courcouas ou
Gourgen, et non pas Pamphile comme le veut Nestor (3), était
Domestique des Scholee et commandait l'armée de terre.
Suivant Nestor, ce serait Courcouas et l'armée d'Asie qui auraient
commencé l'attaque, battu les Russes en Bithynie et forcé les en-
vahisseurs à se réfugier sur leurs vaisseaux où le Protovestiaire
Théophane les aurait alors attaqués ; suivant les Grecs, ce fut au
contraire Théophane et la flotte qui, après un jeune et des prières
publiques, se seraient, dans le Bosphore, auprès d'Hierium, jetés au
plus épais de la flottille russe ; il aurait détruit une grande partie
(1) xNestoi-, a. 6io-2, c. 27.
(2) Nestor est d'accord avec les Byzantins, qui d'ailleurs lui ont dû servir de sources.
(3) Panthérios ou Panthir, dont le nom ressemble au Pamphile de Nestor, ne succéda
Courcouas dans la charge de Domestique qu'en 9i-2 : Cont. sur Léc, c. 43, p. 429.