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ce qui importe c'est la manière de l'artiste et au grand art correspond cette grande manière exprimée<br />

sans plus de définition par les encyclopédistes. C'est alors que survient cette déclaration qui aura tant<br />

de poids dans les réappropriations ultérieures; elle constitue le titre du paragraphe 46 : « Les beaux­<br />

arts sont les arts du génie ». Et Kant décline ensuite les conditions d'existence de ce génie. C'est<br />

d'abord un talent, don naturel ou faculté productive innée de l'artiste, qui « ressortit lui-même à la<br />

nature J17 ». Et s'il permet à l'artiste de trouver ces règles de la nature qui ne pourraient être<br />

déterminées et apprises, sa caractéristique première doit être l'originalité. Pourtant, comme il le<br />

constate, l'absurde peut aussi être original, ce qui fait que les productions du génie doivent également<br />

être exemplaires. De la double nécessité d'originalité et d'exemplarité, il déduit que l'œuvre<br />

s'apparente à un modèle, ce qui lui permet d'affirmer qu'une copie servile n'app311ient pas à l'art et<br />

qu'existe aussi, dans l'excès, la potentielle dérive du maniérisme. Mais si le génie est indispensable à<br />

la création d'une œuvre d'art, il n'est pas suffisant car il doit être discipliné, faute de quoi il risquerait<br />

de tomber dans la sauvagerie ou se réduire à un simple jeu. « Le goût, comme la faculté de juger en<br />

général, est la discipline (ou le dressage) du génie; il lui rogne les ailes, le civilise et le polir3 18 » et<br />

dans le paragraphe 47, Kant compare même le génie à un cheval sauvage, qui doit être domestiqué et<br />

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transformé ainsi en cheval de manège. On est donc confronté à la confirmation de ce permanent<br />

« comme si» qui supppse l'impression du jeu mais le récuse en fait. On en arrive alors à un autre<br />

paradoxe puisque la liberté de l'artiste ne peut atteindre sa plénitude que par l'effet d'une contrainte,<br />

maîtrisée, dépassée peut-être, mais dont les éléments principaux sont la production même de l'œuvre et<br />

les conditions techniques pour y parvenir. Il y a là l'espace d'une interrogation, voire d'une critique<br />

qui s'apparente à celle qui est faite au principe de liberté qui gouverne la raison pratique dont on arrive<br />

à se demander s'il ne revient pas à assumer librement la contrainte de la normativité. Patocka voit dans<br />

la démonstration de la Critique de la faculté de juger, le moyen trouvé par Kant pour rejoindre<br />

philosophiquement le transcendant avec le plaisir esthétique pour moyen. Si la tâche essentielle de<br />

l'être humain doué de raison « ne consiste pas uniquement à connaître le monde, mais encore à agir en<br />

son sein de manière effectivement humaine, c'est-à-dire moralement, de façon conséquente et légale, à<br />

être, en agissant, un être véritablement libre [... ], la liberté humaine est également, à ses yeux, le<br />

mystère dernier de la beauté. Kant est le premier à exprimer, dans des formules classiques, l'essence<br />

du plaisir esthétique à la différence des autres préoccupations humaines JI9 ». Il me semble qu'il n'est<br />

pas illégitime alors de penser que cette démonstration entérine une limitation de la liberté puisqu'elle<br />

ne peut s'exprimer et s'exercer pleinement que dans cette relation. Par ailleurs, et même s'il est postulé<br />

que le caractère du beau peut se trouver à la fois dans la contemplation et la création de l'œuvre d'art,<br />

317 Ibid., § 46, p.261.<br />

J 18 Ibid., § 50, p.276.<br />

319 Jan Patocka, L 'arl elle temps, op. cit., p.153.

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