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l'intelligence et demeurent vénérés comme tels par nos cœurs fervents. Tout mouvement, toute école,<br />

toute création n'ont pu se concevoir que comme des révolutions 663 ».<br />

232<br />

Au fil de ce premier parcours, les mots se sont accumulés pour répéter, unanimement, une idée<br />

de nouveauté désirée ou refusée. Tout le monde s'accorde pour qualifier l'artiste « héroïque» de<br />

novateur. Si l'on revient sur l'origine latine du terme, le novator est celui renouvelle mais aussi celui<br />

qui fait revivre. On le voit, deux notions sont associées qui récusent l'une comme ['autre l'idée d'une<br />

création ex nihilo. On pourrait donc proposer une lecture un peu différente des messages de rupture qui<br />

se succèdent depuis cette époque. Si les expressions me paraissent bien novatrices, ce n'est pas dans le<br />

sens commun de cet adjectif, mais plutôt dans son acception juridique. La novation, selon le code civil<br />

français 66 \ est une substitution de contrat dont les conditions sont réglementées. Ce ne sont pas elles<br />

qui me retiennent ici mais l'idée que le contrat est avant tout la formalisation juridique d'une relation.<br />

663 Jean Cassou, Situation de {'art moderne, Paris, Éditions de Minuit, 1950, p.21-22. Jean Cassou (1897-1986)<br />

publie Situation de l'art moderne en 1950 aux Éditions de Minuit qui l'avaient déjà accueilli alors qu'elles étaient<br />

encore clandestines pour un recueil intitulé 33 sonnets composés au secret. C'était en effet dans sa cellule, alors<br />

qu'il avait été arrêté à Toulouse pour faits de résistance, qu'il les avait écrits en 1942. 11 restera conservateur en<br />

chef du Musée national d'art moderne jusqu'en 1965 et il a marqué son passage par une grande proximité avec les<br />

plus éminents artistes de son temps qu'il amènera sur ses cimaises, ce qui n'était pas, pour différentes raisons, si<br />

facile. Il est lui-même écrivain, romancier et poète, historien de l'art et critique. Il est né en Espagne et gardera<br />

toute sa vie une forte proximité avec la culture espagnole. Sa famille s'installa en France alors qu'il avait quatre<br />

ans et la mort de son père en 1914 la laisse dans une grande précarité. Pourtant, il peut faire de bonnes études à la<br />

Sorbonne. Il entre au ministère de 1'}nstl1.lction publique et collabore à différentes revues où il se fait remarquer. Il<br />

mène alors de pair plusieurs parcours qui vont s'entrecroiser. En 1933, il est nommé inspecteur des Monuments<br />

historiques. En 1936, il entre au cabinet de Jean Zay, ministre du Front Populaire, pour s'occuper des beaux arts, il<br />

prend position pour les républicains espagnols et publie plusieurs romans dans le même temps. C'est toujours en<br />

1936 qu'il succède à Jean Guéhenno au poste de rédacteur en chefde la reV1le Europe. Elle est alors une de ces<br />

grandes reV11es littéraires qui marqueront le XX C siècle français. C'est une période où les camps s'affrontent et où<br />

bien peu sont les artistes et les écrivains échappant à un engagement politique. À Europe, la tendance est<br />

progressiste et influence, comme ailleurs, les sommaires. À Europe, plus qu'ailleurs, le « compagnonnage de<br />

route» du Parti Communiste marquera, et de plus en plus fortement, le choix des collaborations ou des œuvres<br />

présentées. Dans le cadre d'un colloque «( Europe, une revue de culture internationale, 1923- 1998 ». Actes dans<br />

le nO spécial de la reV1le Europe, décembre 1998) qui s'est tenu à la Sorbonne le 27 mars 1998, Jean Yves Guérin a<br />

rendu compte de cette période de l'histoire de la revue sous la direction de Cassou. Il montre comment Cassou, qui<br />

ne fut jamais inscrit au P.c. tente, en vain, de limiter une évolution de plus en plus « suiviste» et de faire valoir<br />

des choix qui ne seraient pas seulement conditionnés par des formalismes doctrinaires. Il montre aussi comment la<br />

revue se saborde à la fin de l'été 39 et quel rapport cela a, outre les circonstances proprement nationales, avec la<br />

signature du pacte germano-soviétique. Cassou a aussi, au même moment, la charge de l'évacuation et de la<br />

protection des œuvres d'art du patrimoine national mais il est démis de ses fonctions par Vichy. Il était alors<br />

rapidement rentré en résistance et avait rejoint le réseau Bertaux à Toulouse où il est arrêté et détenu de 1942 à<br />

1943. À la libération, le général de Gaulle lui donne des fonctions de commissaire de la république mais il<br />

préferera vite retourner à sa mission artistique et patrimoniale. À la réouverture de la revue Europe, la ligne prosoviétique<br />

et le conformisme esthétique qu'elle induit sont de plus en p.lus forts, ce qui amène la démission « en<br />

douceur» de Cassou en 1948. Quelques mois plus tard, il est un des premiers intellectuels « compagnons de<br />

route» à rompre avec le P.c. et il devra subir une douloureuse campagne de presse. Il restera fidèle à des idées de<br />

gauche et sera de nombreux combats, dont celui de l'indépendance de l'Algérie. Pourtant il se consacrera d'abord<br />

à son œuvre et à la constitution, puis la gestion du Musée national d'art moderne. Il exprimera d'ailleurs sa<br />

satisfaction d'avoir pu réunir des œuvres significatives de son époque portées par des artistes qui ne trouvaient<br />

plus leur place dans certaines tribunes devenues trop sectaires.<br />

664 Articles 1271 et suivants.

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