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par exemple Robert Brasillach 935 , et on peut dans ce cas parler d'« une génération perdue 936 ». Elle est<br />

considérée ainsi car il représente une jeunesse qui se fourvoie mais ne l'est-elle pas aussi et surtout<br />

pour une autre raison qui intéresse le statut de l'artiste? En effet, au moment où sa sentence de mott<br />

est prononcée le 19 janvier 1945, quelle est la raison profonde du recours en grâce porté par de<br />

nombreux artistes et intellectuels 937 auprès du général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire?<br />

Pour certains, tels Mauriac ou Camus, c'est, ou c'est aussi, la position d'un catholique et d'un athée<br />

qui ne peuvent accepter la peine de mort. Pour les autres, il me semble que c'est la défense de<br />

l'écrivain 938 , en tant que face publique de l'homme au sens où son talent ne lui appartient pas<br />

304<br />

totalement. Il représente une richesse collective, une matière première intellectuelle, potentiellement<br />

transformable 939 dont la société s'apprêtait à se priver. Tout cela laisse poindre ['idée qu'il ne saurait y<br />

avoir de mise en accusation de l'art au nom des valeurs humanistes mais amène aussi la lancinante<br />

question de la faillite d'une figure humaniste par excellence: celle d'un artiste sombrant dans<br />

l'inhumanité. Une autre condamnation s'en suivra qui me semble avoir épargné bien moins de<br />

935 Il fut à la fois un observateur averti et curieux de l'art cinématographique, brillant connaisseur de la poésie<br />

grecque et mit aussi sa plume au service de publications infames.<br />

936 Selon le titre de l'ouvrage collectif Brasillach et la génération perdue, (Pierre Spiriot, (dir.), Monaco, Éditions<br />

du Rocher, 1987)<br />

937 Jean Anouilh, Marcel Aymé, Jean-Louis Barrault, Albert Camus, Paul Claudel, Jean Cocteau, Colette, Daniel­<br />

Rops, Roland Dorgelès, Arthur Honegger, Thierry Maulnier, François Mauriac, Jean Paulhan, Paul Valéry,<br />

Maurice de Vlaminck, etc.<br />

938 Encore que la qualification pleinement littéraire et conséquemment artistique de ces écrits puisse poser<br />

question. Peut-être que le désir prosélyte de Brasillach, analysant ce qu'il appelle la véritable « aventure<br />

intellectuelle de l'avant-guerre» comme porteuse d'un « esprit préparatoire à ce qu'on pourrait appeler le<br />

"fascisme" français» (Robert Brasillach, Notre avant-guerre. Mémoires, [1941), Paris, Le Livre de poche, 1992,<br />

p. 301-302), contribue au déclassement complet d'une partie de la production littéraire d'une époque. Depuis la<br />

seconde moitié du XIX c siècle, l'engagement et l'influence de la politique ont pris de plus en plus place dans le<br />

questionnement artistique mais aussi dans le questionnement de l'art. Dans Lillérature et engagement, Denis<br />

Benoît cherche à préciser des liens qui lui paraissent de moins en moins évidents. Pour ce qui concerne la « droite<br />

littéraire », il précise que « la problématique spécifiquement lilléraire de l'engagement se pose avec beaucoup<br />

moins d'urgence qu'à gauche, essentiellement parce qu'il n'y a pas d'instance politique qui, à l'instar du parti<br />

communiste, menace l'autonomie du Iilléraire et oblige ainsi les écrivains à s'interroger sur le sens profond et les<br />

moyens de leur engagement» (Denis Benoît, Lillérature et engagement, de Pascal à Sartre, Paris, Seuil coll.<br />

Points, 2000, p.255). L'évocation est brève puisque l'auteur y consacre quatre pages. On peut penser que ce sont<br />

des comptabilités de boutiquier mais cela me paraît nécessaire pour montrer combien le point de vue est souvent<br />

univoque. Celui de l'auteur me paraît induire en effet que la question artistique, implicitement exprimée, ne peut<br />

être que politiquement progressiste et qu'il présuppose un parallélisme entre la novation de la forme et celle des<br />

idées. Ainsi que le remarque Jean-Louis Jeannelle, « il y a là l'équivalent, dans le domaine des études lilléraires,<br />

de ce que Thibaudet identifiait, dans le domaine de la production littéraire, comme un « avant-gardisme<br />

chronique»» (Jean-Louis Jeannelle, Pourquoi faut-il être absolument moderne?, Acta Fabula, vol.6, nO l,<br />

printemps 2005. Disponible en ligne, URL: http://www.fabula.orglrevue/document719.php). C'est donc à ce<br />

niveau que la proposition de W. Marx de réfléchir autour de la notion d'« arrière-garde» me semble fertile car la<br />

valorisation des esthétiques de rupture ne laisse souvent submerger, parmi les écrivains engagés à droite, que les<br />

plus pamphlétaires et exclut les propositions plus classiques (Le concept d'« arrière-garde» fut avancé par<br />

William Marx au cours d'un colloque organisé à l'Université Lyon !!!-Jean Moulin en mai 2003. William Marx,<br />

(dir.), Les Arrière-gardes au XX" siècfe. L'autre face de la modernité esthétique, Paris, Presses Universitaires de<br />

France, 2004).<br />

939 Comme l'est encore peut-être le pétrole par exemple.

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