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penser et de percevoir. Ce que l'on nomme "culture,,617 ». Si l'expression lieux communs, dans l'usage<br />

courant, s'applique péjorativement à ces idées dont on dit aussi souvent qu'elles sont de celles qui<br />

s'échangent en bonne compagnie. L'expression suppose également l'existence d'un espace partagé et<br />

on peut même penser qu'il s'agit de cet espace « mondain» qui a servi d'amorce à la formation de<br />

l'espace public au sens où Habermas l'a mis en scène avec tant de sUCCèS 618 , marginalisant ainsi, en le<br />

« culturisant », sa dimension proprement politique et idéologique 6l9 . Dans le brouhaha de leurs<br />

219<br />

confrontations sans enjeux véritables, les « lieux communs» construisent néanmoins un sens commun<br />

qui fait exister socialement le sujet. C'est la raison pour laquelle, Anne Cauquelin qualifie la doxa de<br />

l'art de «rumeur théorique ». Par là, elle veut montrer que « la doxa est ce genre de discours a/ogos,<br />

non pas absurde, mais à côté, en dehors de la logique, de l'érudition et de la connaissance précise, que<br />

ce discours est porté par un amalgame de théories et porte lui-même des éléments théoriques nombreux<br />

tout à fait repérables sous leurs déguisements et qui contribuent à former autour de l'art ce nuage de<br />

sens (bon sens et lieux communs) qui nous maintient en suspension, séduits, troublés, et nous-mêmes<br />

doxiques à l'endroit de l'art dont nous épousons simultanément ou successivement toutes les<br />

perspectives qu'elle délivré 20 ». Ce brouhaha fait par ailleurs jaillir l'idée du bruit de fond dont nous<br />

parlent les astrophysiciens quand ils observent l'univers auquel ils ne savent pas donner de limites en<br />

temps comme en espace et on peut y voir la métaphore d'une crépitation qui pense l'art sans en<br />

maîtriser toutes les données. Si l'on peut penser que, du fait de l'importance des médias dans la société<br />

contemporaine, cette intéressante idée de rumeur théorique ne concerne pas que l'art, il me semble<br />

pourtant qu'il est des sujets où il est plus facile de distinguer les causeurs des savants.<br />

Je tenterai donc de cerner les explications de ce constat et elles me paraissent triples. Elles<br />

tiennent d'abord, paradoxalement, à cette idée de gratuité portée par la proposition doxique d'Anne<br />

Cauquelin. Elle agit comme un masque légitimant qui empêche et rend même inutile l'interrogation du<br />

fond et du propre de l'art. D'ailleurs, on peut voir une confirmation, a priori contradictoire, de cette<br />

hypothèse dans les orientations des études sociologiques sur ce champ. En effet, si les sciences<br />

humaines s'intéressent encore à l'art, il faut bien admettre que c'est de manière marginale. Elles<br />

concentrent principalement leurs travaux sur les effets, le produit et l'environnement de l'art plutôt que<br />

son essence, même s'il devrait s'agir pour elles désormais de son essence sociale 621 . Mais les sciences<br />

617 Ibid., p.118-119.<br />

618 Jürgen Habermas, L'espace public. Archéologie de la publicilé comme dimension conslilulive de la sociélé<br />

bourgeoise, op. ci!.<br />

619 Voir aussi sur ce thème la thèse de Richard Sennett, The Fall ofpublic Man [1976] (Les Iyrannies de l'inlimilé,<br />

trad. Antoine Berman et Rebecca Folkman, Paris, Seuil, 1979,285 p.j, où il présente une analyse critique qui n'est<br />

pas du tout congruente avec celle d'Habermas mais qui est plus réaliste s'agissant de la société contemporaine.<br />

620 Anne Cauquelin, Les théories de l'arl, op. ci!., p.123.<br />

621 Comme cela est d'ailleurs si bien illustré par Francastel, Lubies, Goldmann, etc.

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