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de la nature comme ordre de la nécessi té et de celui de la subjectivité comme ordre de la liberté<br />

individuelle, est ontologiquement marquée d'une aporie, où le sujet déchiré entre une autonomie vide<br />

qui le rejette dans la solitude et un rêve de toute puissance qui le projette virtuellement vers le délire,<br />

reçoit la jouissance esthétique comme un prix de consolation !»<br />

133<br />

C'est sur la rupture de ce lien au monde et de ce lien aux autres, qui se maintenait à travers la<br />

tradition, que la science moderne comme le politique moderne étaient expressément fondés, alors que<br />

l'art seul, et plus généralement l'humanisme, depuis la Renaissance, l'avait reconnu et rétabli à travers<br />

le retour à l'Antiquité. L'inclusion de l'art dans le discours philosophique par Baumgarten et par Kant<br />

aura ainsi pour conséq\.lence de l'y rompre également, en lui substituant le postulat purement formel de<br />

l'universalité purement subjective du « bon goût ». lei aussi, ce qui se voulait être une fondation sur le<br />

terrain solide de la raison s'avèrera donc être plutôt l'amorce d'une autre rupture. C'est celle que l'al1<br />

et les artistes post-romantiques se verront obligés de reproduire toujours et encore comme condition et<br />

preuve de leur propre activité véritablement créatrice. Alors la tradition artistique « classique », qui<br />

remontait aux Grecs et à leurs canons esthétiques concrets, tradition reconstruite dans laquelle l'art<br />

enracinait encore son identité épistémologique et sociale en tant qu'art, sera de plus en plus ressentie<br />

dans et par sa propre mise en débat philosophique comme un rapport de pure contrainte et que chaque<br />

artiste y verra une entrave personnelle à son génie créateur.<br />

Dans la perspective d'une émancipation et d'un progrès qui rejoint désormais - au moms<br />

virtuellement - ceux qui définissent déjà 1'horizon historique des développements scientifiques et<br />

politiques, la nostalgie sclérosante de la tradition esthétique devra donc désormais être combattue.<br />

Comme on le verra, cette mythique de la rupture deviendra progressivement un des thèmes majeurs de<br />

toute l'évolution de l'art qui suivra l'effervescence romantique et qui caractérisera alors formellement<br />

ce qui a été nommé l'art moderne. Par ailleurs, Michel Freitag relève que Lucien Goldmann écrit en<br />

commentant Kant que l'unité subjective du jugement de goût permet à l'homme d'être « tout entier<br />

dans ce jugement », il « n'exige pas l'existence réelle de l'objet 333 ». De ce fait, « l'objet esthétique<br />

constitue lui aussi une totalité, un monde qui n'a plus et ne peut plus avoir aucun rapport avec d'autres<br />

objets qui lui seraient extérieurs 334 ». Il devient ainsi un « objet imaginaire », et en lui conférant en tant<br />

que tel une valeur « objective» et non celle d'une simple « illusion », Kant inaugure ici ce qui<br />

deviendra la théorie philosophique de la réification 335 . On aboutit ainsi à une autre modalité de cette<br />

séparation radicale qui anticipe et rend possible le procès d'abstraction, de conceptualisation et de<br />

virtualisation de la création et de la production, notamment plastique.<br />

535 Lucien Goldmann, Introduction à la philosophie de Kant, [1948], Paris, Gallimard, coll. Idées, 1967, p.247.<br />

334 Ibid., p.248.<br />

335 Ibid., p.245.

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