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IMG - Archipel - UQAM

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devient foncièrement inaccessible et on pourrait y voir l'anticipation ou la source de l'évolution du<br />

rapport contemporain à l'art. Car pose-t-il encore la question de la ou de sa beauté? À l'évidence, elle<br />

n'est plus première et, pour le commenter, on est plutôt amené par exemple à user de qualificatifs<br />

témoignant une intellectualisation (intéressant, troublant, puissant. .. ) d'une œuvre dont le statut et la<br />

finalité questionnent le spectateur. On peut juger qu'il y a une dimension anecdotique ou dérisoire à ce<br />

constat mais il montre que, notamment depuis Kant, sa place, ou celle de la réception de l'œuvre, du<br />

discours sur elle, prennent de plus en plus d'importance. Tout cela devient même constitutif et j'en<br />

arrive à me demander si le spectateur en espérait tant, aspirait à un si grand rôle. Car on peut penser<br />

que, depuis l'origine de ces évolutions, il persiste une demande sociale pour une théorie relative à la<br />

production de l'art. J'en veux pour preuve le fait que s'installe très vite un contresens dans la réception<br />

de la théorie kantienne de l'appréciation de l'art qui la transforme en théorie injonctive pour l'art lui­<br />

même. Cet usage erroné est si général, comme nous le dit Anne Cauquelin, que le sociologue peut voir<br />

ici un des points majeurs d'une évolution qui dépasse de loin l'approche purement philosophique de la<br />

question, et même si Kant l'insère dans un édifice critique qui la dépasse.<br />

130<br />

Kant a commencé par démarquer le jugement esthétique du jugement cognitif qui doit être<br />

neutre et impersonnel, ce qui garantit son objectivité. Cela induit donc que le jugement esthétique, se<br />

rapportant à la «pure liberté» de la subjectivité vis-à-vis d'elle-même, suppose la perte du rapport<br />

ontologique du sujet à l'être de l'objet exprimé dans et par sa forme. Comme le relève Michel Freitag,<br />

le jeu gratuit auquel doit s'apparenter cette relation délie donc «du même coup tous les rapports<br />

"nécessaires" que les hommes entretiennent collectivement avec le monde objectif de toute exigence<br />

d'une appréciation ou valorisation de la forme substantielle, appréhendée en tant que telle tant du côté<br />

du monde objectif que du côté de l'action humaine subjective ». Et cela l'amène à conclure qu'il «n'y<br />

a justement pas pour Kant de formes substantielles, existant en soi et pour soi avec leur beauté propre,<br />

inhérente à leur caractère particulier et contingent ». Ce qui se construit ou se confirme avec<br />

l'édification propre des trois critiques, c'est une séparation qui est aussi une remise en cause d'une<br />

synthèse première - ou originelle, ou ontologique - traduite pour l'art par ses pleines dimension et<br />

puissance symboliques. L'esthétique s'avère donc bien, dans l'édifice kantien, un reste ou une<br />

compensation, une médiation, au sens où il trouve ainsi une place en tant qu'exception à la première<br />

binarité de sa théorie mais ça l'est également puisqu'elle se présente comme la réminiscence d'une<br />

synthèse antérieure et dorénavant désarticulée. «Dès lors, si le politique réalise (idéalement) la<br />

synthèse entre l'individu et la société, comme l'art le fait (également idéalement) entre le sujet<br />

individuel et la nature objective, aucune synthèse n'existe plus formellement entre la société (et les<br />

forces de développement autonomisées qui sont "libérées en elles" notamment au niveau technique et<br />

économique) et la nature. La "nature" se trouve donc déchirée entre l'instrumentalisation à laquelle

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