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IMG - Archipel - UQAM

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leur sujet. J'ai ailleurs essayé de montrer comment la politique était le conflit même sur l'existence de<br />

414<br />

cet espace, sur la désignation d'objets comme relevant du commun et de sujets comme ayant la<br />

capacité d'une parole commune l276 ». La répétition de l'adjectif commun indique évidemment<br />

l'énergie de ce processus. Dans son ouvrage, Rancière suit notamment l'évolution de la relation à l'art<br />

en fonction de la construction de son concept moderne. Pour positionner les enjeux du « malaise»<br />

ressenti mais aussi construit par les acteurs contemporains du site de l'esthétique l277 , il en analyse les<br />

étapes sur le chemin de son autonomisation et aussi de sa prise de distance de plus en plus importante<br />

avec le commun. Alors, pour exprimer son espoir d'un renouveau de cette relation, il me semble<br />

intéressant de noter qu'il la compare à celle que proposait « ['oisiveté» de la statue d'une déesse<br />

antique grecque. « La statue, comme la divinité, se tient en face du sujet, oisive, c'est-à-dire étrangère<br />

à tout vouloir, à toute combinaison de moyens et de fins l278 ». Pour l'auteur, sa qualité particulière est<br />

sa liberté qu'il définit comme l'expression d'une « communauté dont l'expérience vécue ne se scinde<br />

pas en sphères séparées, qui ne connaît pas de séparation entre la vie quotidienne, l'art, la politique ou<br />

la religion. Dans cette logique, la statue grecque est pour nous de l'art parce qu'elle ne l'était pas pour<br />

son auteur, parce que, en la sculptant, il ne faisait pas une "œuvre d'art" mais traduisait dans la pierre<br />

la croyance commune d'une conununauté, identique à sa manière même. Ce que le suspens présent de<br />

la libre apparence promet alors, c'est une communauté qui sera libre dans la mesure où elle ne<br />

connaîtra plus, elle non plus, ces séparations, où elle ne connaîtra plus l'art comme une sphère séparée<br />

de la vie 1279 ». Cette déclaration me semble alors porter l'espoir du retournement du processus identifié<br />

par Hegel et qui confinait l'art à l'espace de l'intime. C'est une revendication et elle répond d'une<br />

certaine façon à la dénonciation freitagienne qui vise la perte d'une dimension symbolique et<br />

ontologique. C'est comme si, sur des constats comparables, ou du moins dans lesquels Rancière et<br />

Freitag se rejoignent, il y avait une différence considérable. Elle tient au fait que le premier s'inscrit<br />

dans une perspective où l'art, toujours changé, demeurerait comme un horizon particulier mais dont je<br />

dirais qu'il est une fois de plus au service d'autre chose. C'est même parce que l'incertitude à son<br />

propos est devenue essentielle, parce que art et non-art se confondent ou qu'il n'y a plus de distance,<br />

qu'il peut y avoir dans le silence de l'œuvre, dans son oisiveté, un espace questionnant. Qu'il soit ou<br />

puisse être foncièrement commun et non individualiste me paraît beaucoup moins évident. On peut en<br />

effet se demander si l'espace spécifique dont parle Rancière est lui-même créateur de commun ou s'il<br />

en est la résultante, car n'y a-t-il pas un antérieur? C'est ce que Michel Freitag me semble mettre en<br />

évidence dans une vision symbolique essentielle et première qui constate la disparition irrémédiable<br />

1276 Ibid. p.37.<br />

1277 Je précise que ce n'est pas la formulation employée par l'auteur.<br />

1278 Ibid., p.51.<br />

1279 Ibid., p.52.

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