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IMG - Archipel - UQAM

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adicale des modes d'appropriation du monde via la spécialisation des spéculations autour de la triade<br />

platonicienne. Je note d'ailleurs que l'on peut, tout comme François Cheng, plaider pour une nouvelle<br />

synthèse, porter un jugement à mon sens très pertinent sur le parcours de ces idées et, en même temps,<br />

laisser la place à cette confusion sur le sujet qui m'intéresse ici. En effet, il nous dit d'abord «que,<br />

depuis la Grèce antique jusqu'au XVIIIe siècle, l'idéal de la beauté qui doit régir la création artistique<br />

s'efforce de se baser sur des critères objectifs, l'art ayant pour modèle la Nature en ce qu'elle a de plus<br />

vivifiant, de plus inspirant, de plus noble ». Puis, il ajoute que «c'est seulement au XVIIIe siècle qu'un<br />

vrai renversement de tendance se fait jour, au profit d'un art où s'accentue de plus en plus l'inspiration<br />

subjective et individuelle 19 ». En cela, il identifie légitimement une donnée essentielle du processus à<br />

l'œuvre mais il contribue à dissimuler une nuance déterminante qui tient aux mots employés. En<br />

l'occurrence, il s'agit justement du mot art qui existe déjà dans la Grèce antique, qui a aussi partie liée<br />

avec les notions de beauté et d'esthétique mais qui ne désigne absolument pas la même chose que ce<br />

que définit maintenant son concept, pleinement élaboré dans et par la modernité. C'est à cette<br />

explicitation que s'adressera donc une bonne panie de cette recherche.<br />

Ce que je retiens alors de ce premier préalable, c'est que tous les êtres vivants ont un rapport<br />

principiel avec le monde, qu'il est esthétique parce qu'il est sensible mais aussi parce que le monde est<br />

un monde de formes. Ce qui constitue la spécificité relative de l'être humain parmi les êtres vivants<br />

c'est que« le genre de l'animal est« en lui », alors que pour l'être humain il est hors de lui et qu'il doit<br />

y accéder en y prenant place, ce qui lui impose aussi de participer à sa perpétuelle recréation et lui<br />

permet d'agir en vue de sa transformation. Mais si cette ouverture du symbolique est indéfinie, elle<br />

reste toujours attachée à son point d'origine 20 » qui est une « dépendance biologique », condition de<br />

notre être au monde. C'est dans cette idée d'extériorité, associée à celle d'une recréation<br />

potentiellement transformatrice qu'a pu s'insinuer, se développer, puis triompher le sentiment, voire la<br />

nécessité, d'une indépendance de plus en plus radicale du geste de l'artiste. Comme l'écrit Émile<br />

Benveniste: « Le poète fait exister; les choses prennent naissance dans son chant 21 ». On peut alors<br />

inverser la proposition de Benveniste et penser qu'à partir du moment où le poète ne s'intéresse plus<br />

aux choses du monde pour se concentrer uniquement sur son chant, le monde n'est plus en mesure<br />

d'être «perpétuellement recréé », qu'il court le risque de ne plus exister ou seulement comme un<br />

inaccessible. Michel Freitag, le dit à sa manière: ce qui est en œuvre dans la représentation artistique<br />

qui fut longtemps représentation du monde, ce n'est pas le fait de montrer la chose ou l'objet mais «le<br />

19 Ibid., p.12S-127.<br />

20 Michel Freitag, « La société: réalité sociale-historique et concept sociologique », loc.cit., p.24.<br />

21 Émile Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, t.2, Paris, Éd. de Minuit, 1969, pAO.<br />

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