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IMG - Archipel - UQAM

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grands acteurs culturels et économiques qui dénomment et théorisent les mouvements et qui contrôlent<br />

l'offre. La galerie leader, une fois qu'elle s'est assurée le monopole d'une tendance, met en œuvre une<br />

stratégie de promotion destinée à fabriquer la demande susceptible d'apprécier les nouvelles créations<br />

artistiques 853 ». Raymonde Moulin décrit ensuite les stratégies qui associent celles de la promotion<br />

commerciale à celles de la diffusion culturelle pour réussir, dans un temps court, la mobilisation de son<br />

réseau. Il s'agit d'une coalition internationale informelle de galeries mais aussi d'autres acteurs car tout<br />

285<br />

est lié à la réputation culturelle du marchand et à sa capacité, « dans le passé, de faire accepter les<br />

nouvelles créations artistiques par la fraction avancée de l'establishment artistique (collectionneurs<br />

influents, conservateurs de musée, critiques de grand renom)854 ». L'émergence, dans les années 80, de<br />

nouveaux acteurs, exprime plus encore à mon sens les enjeux de ce « système de l'art ». « Les<br />

mégacol!ectionneurs, ont collaboré avec les galeries à l'élaboration de la hiérarchie sociale et<br />

économique des artistes et des œuvres. Peu nombreux et de recrutement international, ils excrcent un<br />

pouvoir de marché: ils achètent un grand nombre d'œuvres, dont plusieurs du même artiste, à un prix<br />

relativement faible et, en accord avec le ou les marchand(s) promoteur(s) de l'artiste, ils contrôlent<br />

l'offre. Il s'agit là d'une collusion inhabituelle entre acheteurs et vendeurs pour restreindre l'offre et<br />

faire monter les prix, creusant ainsi l'écart entre les artistes du « top niveau », dont ils détiennent les<br />

œuvres, et le reste du marché. L'entrée dans une grande collection a un effet très positif sur la<br />

réputation de l'artisté 55 ». Cette réputation dont parle Raymonde Moulin consacre la signature, la<br />

griffe de l'artiste et détermine sa valeur marchande et bien plus encore spéculative s56 . Elle ne<br />

s'apparente pas directement à l'effet de marque qui suppose une gamme, ce qui n'est que<br />

marginalement le cas pour les produits qui nous intéressent. Toutefois, on peut envisager cette<br />

connivence si on inverse la proposition puisqu'il me semble que, tout corrune les magasins ont utilisé<br />

des techniques scénographiques, les marques signent maintenant leurs productions. La contrepartie<br />

valorisante qu'il y avait à posséder une œuvre portant une signature célèbre se transpose à tous les<br />

niveaux de la consorrunation. Le goût n'est même plus alors guidé par une appréciation personnelle ou<br />

une connaissance, si ce n'est celle de savoir ce qu'il convient de posséder au bon moment. C'est en<br />

partie le cas également pour la possession d'œuvres d'art mais cela est encore exacerbé par le caractère<br />

spéculatif de ce marché auquel chacun participe, y compris les institutions publiques qui ont elles­<br />

853 Ibid., p.31.<br />

854 Ibid., p.32.<br />

855 Ibid., p.33.<br />

856 L'évidence de la démonstration de l'auteure, le ton employé qui relève du constat objectif interroge le lecteur et<br />

plus encore dans le cadre d'une recherche sociologique. Si les faits sont évidemment premiers, J'accumulation<br />

synthétique de pratiques collusives ne doit-il pas être présenté comme tel; c'est-à-dire critiquable au nom même<br />

des règles du marché? On peut alors parler de cynisme sans dire qu'il est propre à l'auteure mais assez généralisé<br />

dans un secteur dont on pourrait penser qu'il s'affirme commercial et spéculatif en raison inverse de ses<br />

incertitudes artistiques.

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