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Une formule de Hartman commentant le lien qu'il entretient avec des enjeux plus anciens me paraît<br />

révélatrice. Il existerait selon lui deux dimensions, « la première est le passé qui commence avec Hegel<br />

qui est toujours parmi hous ; l'autre est l'avenir qui commence avec Nietzsche qui est revenu parmi<br />

nous 547 ». Cette formulation me semble avoir elle-même deux dimensions. L'une affirme la<br />

cohabitation, comme la trace d'un héritage mais l'autre la condamne dans et par la nécessité de<br />

rupture. Il serait possible de passer à « autre chose» du fait de la relecture contemporaine de<br />

Nietzsche. L'idée qui s'introduit alors, c'est que les suiveurs de Hegel, fussent-ils critiques, ont<br />

entraîné la réflexion esthétique dans une excroissance du sens et du concept. Mais justement,<br />

Nietzsche n'est-il pas une figure exacerbée de l'artiste-philosophe, tellement proche de la proposition<br />

hégélienne pour l'avenir de J'esthétique? De plus, faire de Nietzsche un ancêtre de la déconstruction<br />

en extrapolant sur le caractère romantique de son écriture et, par là, le relier implicitement à la<br />

philosophie de Kant; n'est-ce pas aller un peu vite en besogne? N'est-ce pas oublier que l'édifice<br />

kantien s'équilibre sur un postulat divin inaccessible, que la question mobilise la quête romantique,<br />

fonde la spéculation historique hégélienne, lui permet de poser la philosophie en termes de<br />

dépassement et cristallise la révolte immoraliste de Nietzsche? Zima a raison de dire que c'est<br />

« l'opposition entre polysémie et monosémie, entre l'ouverture du signifiant et la clôture conceptuelle,<br />

qui sous-tend presque toutes les querelles de la Nouvelle Critique des annécs soixante 548 ». Pourtant,<br />

rebâtir une filiation nietzschéenne sur la base d'une lecture seulement esthétique est-il possible<br />

aujourd'hui? Je pense que c'est oublier que Nietzsche déjà, se vantait d'être un fameux psychologue,<br />

qu'à la même époque Lou Andreas-Salomé suivait à Vienne les conférences de Freud et que la théorie<br />

199<br />

psychanalytique propose depuis la recherche d'un sens au-delà de l'explicite. Il m'apparaît donc que<br />

d'autres raisons réunissent autour de l'œuvre de Nietzsche les figures et les approches diverses de<br />

Foucault, Derrida et Deleuze et qu'eJJes expliquent aussi qu'ils soient devenus, un temps au moins, des<br />

icônes pour une Amérique en voie de relativisation post-moderne.<br />

Il ya ainsi et sûrement un air du temps qui nous a rendu familier le chemin de la recherche des<br />

intentions; forcément cachées, et l'interrogation de ce que l'on pourrait appeler un inconscient de<br />

l'œuvre. Pourtant, dans le cas qui nous intéresse, n'est-ce pas aussi parce qu'il ne serait qu'un des<br />

premiers à articuler sa création dans une perspective essentiellement conceptuelle, au sens où on peut<br />

maintenant l'entendre, si métaphorique puisse-t-elle se présenter également? Nietzsche en tant<br />

qu'artiste écrivain est aussi philosophe et inversement pourrait-on dire: les deux dimensions sont<br />

intimement et irrémédiablement liées. Il est possible d'interroger les poèmes de Rimbaud ou les<br />

547 Geoffrey H. Hartman, Saving !he Tex!. U!era!ure/Derrida/Philosophy, Baltimore-London, John Hopkins Univ.<br />

Press, 1981, p. 28.<br />

548 Peter v. Zima, L'esthétique de la déconstruction, du romantisme à Nietzsche et Derrida, Op.CiL, p.176.

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