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De l'utilité de débattre de la représentation<br />

419<br />

Dans la « querelle des anciens et des modernes », on imagine aisément quel était le parti de<br />

Boileau (1636-1711). Le « législateur du Parnasse» est encore invoqué au nom de la pureté et de la<br />

qualité de la langue française. Sa référence me permet à nouveau de m'interroger sur cette sorte de<br />

fatalité qui nous menace toujours de passer de la pureté au purisme et son corollaire institutionnel, pour<br />

les arts: l'académisme. Mais il ne s'agit pas que de menace et nous devrions nous souvenir que cette<br />

idée a des perfidies qui ont déjà remis en cause notre humanité. Bien qu'on arrive souvent à le penser,<br />

cette pureté originelle et immuable n'a rien à voir avec la vérité ni avec la tradition qui parlait de durée<br />

bien avant que l'on invente la durabilité pour mieux s'affranchir de la première et renouveler la<br />

seconde. Cette idée de lien essentiel créant une solidarité entre les différents moyens d'appréhender et<br />

de représenter le monde nous produit autant que nous la produisons, infiniment, en la poursuivant,<br />

fidèles à lin génie propre qui ne réfère pas à une part de divinité qui serait nôtre mais à llne naissance<br />

commune. Comme on dit encore, c'est une venue au monde qui se perpétue et on oublie trop souvent<br />

que l'homme, quel qu'il soit, tire son nom de la terre qui l'accueille. Dans L'Art poétique, qu'il publia<br />

en 1674, Boileau créait une maxime, citée depuis comme une évidence: « Ce que l'on conçoit bien<br />

s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément J282 ». Sa citation est souvent fautive: on<br />

parle en effet de ce qui se conçoit bien; reformulation qui m'apparaît comme un lapsus révélateur car<br />

c'est comme si l'on mettait en doute l'énonciation du maître de la langue. On oublie que Boileau<br />

conseillait surtout d'apprendre à penser « avant que d'écrire» ce qui faisait de l'écrivain penseur et<br />

non du concept, le sujet de sa maxime. Mais ce dont on débat moins, c'est de cette présentation de<br />

l'écrire et des mots comme une résultante car on peut penser que le vocabulaire est infiniment<br />

antérieur et se présente déjà comme un dire le monde. C'est en effet une forme de représentation<br />

fondatrice que l'on pourra considérer en privilégiant la différenciation progressive des langues ou leur<br />

irréductible fond commun civilisationnel. C'est, à l'évidence, la première option qui oriente 1'« Art<br />

poétique» de Despréaux et c'est d'ailleurs conforme aux enjeux de l'époque où s'achève ce que l'on<br />

peut appeler un chantier: l'édification d'une culture nationale. Elle se traduit, comme le montre Élie<br />

Faure, par ce classicisme « à la française» qui correspond aussi à un moment particulier de l'histoire<br />

du pays et de l'Europe. Cela laisse supposer que la langue est finalement une utilité, quasi neutre, au<br />

service d'une pensée qui s'exprime aussi bien dans la culture commune que dans l'œuvre personnelle.<br />

Pourtant, et sans rentrer dans une approche constructiviste, je note que le vocabulaire, au moins aussi<br />

1282 Charles Batteux, Les quatre poëtiques d'Aristote, d'Horace, de Vida, de Despréaux, Paris, Chez Saillant et<br />

Nyon, 1771,1.2, IVe partie, « Art pOëtique de Despréaux », p.17, vers 153 et 154.

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