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IMG - Archipel - UQAM

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l'infini dans des figures finies sensibles, de toutes les révélations de l'esprit qui utilise encore la nature<br />

comme sa langue maternelle; d'autre part, sous les espèces de l'histoire de ses différents domaines qui<br />

représentent en même temps l'expression du contenu spirituel d'époques entières; l'époque où l'art,<br />

par essence, ne peut pas encore être une religion de la beauté, l'époque où il est une telle religion et<br />

enfin l'époque où il perd à jamais cette possibilité, relayé dans sa fonction d'exprimer et de dévoiler<br />

l'absolu, par des facultés plus parfaites 435 ». La dernière phrase de cette citation nous dévoile déjà le<br />

parcours de la pensée hégélienne sur l'art mais, ainsi que Patocka se propose de le faire, il faut d'abord<br />

resituer Hegel dans son temps. « L'art est bien au centre de toute cette période et cette position centrale<br />

serait inconcevable s'il n'avait un sens métaphysique, [il est] là uniquement pour communiquer une<br />

vérité que l'objectivité scientifique demeure impuissante à saisir 436 ». La science, son univers, ses<br />

organisations et l'idéologie qui les construisent ne sont pas encore « achevés », il y a donc encore la<br />

place, ce que l'on pourrait appeler des espaces de reste ou des friches, pour accueillir d'autres modes<br />

d'appréhension de cet enjeu. Au moins sont-ils encore présents dans la pensée allemande alors qu'ils<br />

avaient peut-être déjà disparu dans l'espace culturel britannique, pourtant également saisi par la fièvre<br />

romantique. En effet, bien que le principe du développement séparé des philosophies nationales,<br />

167<br />

notamment lié à l'emploi des langues vernaculaires, est avéré, on peut aussi penser que la philosophie<br />

anglaise prend, bien avant, un tournant empiristc qui l'amènera rapidcment à concentrer ses efforts sur<br />

la question épistémologique. Les problèmes posés alors par les artistes romantiques anglais ne sont-ils<br />

pas comme ces wilds qui construisent les toiles de fond et établissent les décors des picturesque<br />

gardens? Ne sont-ils pas des friches acceptées dans un monde en miniature et qui, peut-être,<br />

contribuent à mieux valoriser son organisation ou sa maîtrise? Toujours est-il que la philosophie de<br />

1'311 est centrale ou participe alors du cœur de la spéculation intellectuelle aJiemande. Elle l'est pour<br />

plusieurs raisons dont la première, nationale dirais-je, tient au fait que si Germaine de Staël intitule son<br />

étude De l'Allemagne, eJie ne parle pas encore d'une nation. Elle scrute un peuple en voie de s'unir<br />

dans et par ce que j'appellerais la construction et peut-être plus encore la reconstruction d'une culture<br />

commune autour de sa langue. La deuxième raison me semble plus européenne au sens de générale si<br />

l'on se replace dans l'époque. Elle tient à la conjugaison d'une vision mécaniste du monde, issue du<br />

cartésianisme, avec la montée de la société bourgeoise et les applications de la technique dans<br />

l'économie capitaliste émergente. Ainsi, l'être humain instaure un nouveau rapport au monde qui n'est<br />

plus une réalité organique autonome avec lequel il doit composer mais une donnée objective à laquelle<br />

il pourrait imposer ses propres buts. L'enthousiasme et l'optimisme sont d'abord de rigueur mais le<br />

sujet, forcément pensant, prend alors conscience qu'il est peut-être tombé de Charybde en Scylla. Si le<br />

435 Jan Patocka, L'art et le temps, op. cit., p.166.<br />

436 Ibid. p.167.

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