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IMG - Archipel - UQAM

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souvent d'une appropriation chaotique de ces pensées ou sens et contresens se confondent sans<br />

s'équilibrer dans ce que Anne Cauquelin appelle une « rumeur théorique» qui fonde, malgré son<br />

incertitude, ce « site de l'esthétique» qui accueille les pratiques spécialisées et légitime, bien que<br />

confusément, leurs déclinaisons sociales. Ce qui émerge alors, et que je voulais montrer, c'est un<br />

amoncellement de matière, plus ou moins fermement établie, souvent profondément emacinée et aussi<br />

souvent fortement remodelée. Avec ces parcours de mots, rapidement suivis, il m'apparaît que nous<br />

portons encore le souvenir de la force concentrée, ontologique dirais-je, de leurs origines. Mais, a<br />

contrario, leurs appropriations spécialisées, loin de raffiner et renforcer cette puissance d'ordre<br />

symbolique, contribuent à la diluer et à faire en sorte qu'elle nous échappe de plus en plus, de même<br />

qu'un projet bien plus large.<br />

C'est l'affirmation d'une indispensable distance qui a permis de fonder le lieu de l'art comme le<br />

prêtre antique découpait l'espace du temple et de la cité sur celui du monde pour en faire le lieu de<br />

l'homme. Mais c'est à l'exacerbation de plus en plus radicale de cette distance que j'on a assisté, une<br />

fois le procès enclenché. Tout d'abord, l'humanisme faisait le pont entre l'universalité anthropologique<br />

de la dimension esthétique de l'expérience et de l'expression sensible et symbolique et sa<br />

« condensation », sa concentration, son épuration, son renforcement et son approfondissement dans la<br />

forme sociale particularisée de l'art. Au travers d'une conct:ption humaniste de l'éducation, il<br />

maintenait le 1ien entre l'art des altistes et des connaisseurs d'une part et la vie de tous, tant dans sa<br />

dimension collective qu'individuelle ou existentielle. L'art - en tant qu'art - était en somme le<br />

laboratoire où s'expérimentait et se cultivait l'approfondissement conscient de l'expérience esthétique<br />

qui devait ensuite, idéalement, irriguer tous les autres champs spécialisés de la pratique. C'était le<br />

moyen de maintenir de manière sensible, affective et effective, l'unité supérieure des moments<br />

disjoints de la vie collective, comme pouvait le faire la religion dans les formes sociales traditionnelles<br />

ou pré-modernes ainsi que le montre Hegel. De cette manière, elle réalisait leur synthèse dans<br />

l'expérience de la vie existentielle des individus. Cela ne passait pas seulement par l'élargissement de<br />

l'accès aux œuvres du fait d'un agrandissement du cercle d'abord restreint des commanditaires et des<br />

connaisseurs. À travers la formation de la sensibilité commune par les œuvres, c'est de la formation du<br />

voir, du dire, du faire, du sentir et du comprendre de tous les membres de la société qu'il s'agissait. Et<br />

c'est en tant que forme et condition de leur appartenance et de leur palticipation effectives à la vie<br />

commune, à l'universitas, à la polithéia que se situent ses enjeux profonds et c'est réciproquement au<br />

nom de ces enjeux que les œuvres et l'art devaient appartenir au monde commun 44 . La séparation de<br />

44 En dehors de l'art littéraire, le centre de gravité des arts de représentation reste associé, à la Renaissance, à des<br />

œuvres (architecture, peinture, sculpture) qui s'adressent encore directement à l'espace public de la cité, pour s'y<br />

intégrer significativement et visuellement puisqu'elles s'y offrent à la vue de tous (églises, palais, places,<br />

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