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IMG - Archipel - UQAM

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portait déjà de multiples héritages mais il exprimait de ce fait une forme de continuité, un lien essentiel<br />

qui est peut-être maintenant remis en cause. On peut se demander si le procès d'esthétisation<br />

généralisée du monde post-moderne ne généralise pas justement une proposition que Kant ne réservait<br />

qu'au beau: une finalité sans fin. Face à une nouvelle et si dominantc hétéronomie, je ne peux<br />

m'empêcher de noter avec un peu de perfidie amusée la réévaluation assez généralisée, en Occident<br />

comme ailleurs, du statut de l'artisan comme pour exprimer inversement un nouveau désir<br />

d'authenticité dans le faire.<br />

Il me semble donc qu'il y a bien un lien fort entre le développement de modalités<br />

opérationnelles expertes de plus en plus nombreuses et la dissolution progressive du concept moderne<br />

de l'art. Il m'apparaît aussi que cette dissolution alimente les incertitudes des acteurs spécialisés tout<br />

comme celles du grand public mais aussi participe à la dilution généralisée des composantes de<br />

l'esthétique. Ce faisant, c'est à une mise à distance radicale du monde que l'on assiste qui interdit son<br />

appréhension objective et son appropriation réelle par l'homme, qui la rend même inutile puisque le<br />

milieu de 1'homme est devenu un environnement virtuel, voire fictif. Le procès de subjectivisation qui<br />

avait permis la construction du concept moderne de l'art s'est retourné, devenant de plus en plus<br />

« ironique », comme dirait Hegel. Maintenant prisonnier d'une liberté chèrement acquise, il utilise<br />

malgré lui son autonomie pour participer et profiter également, culturellement, d'une impérieuse<br />

hétéronomie systémique. L'intensité de sa concentration synthétique première a fait place à la<br />

fragmentation, et à l'évidence symbolique a succédé l'incertitude généralisée et la légitimation<br />

« oxymorique » du chaos comme principe de l'organisation, comme « pure représentation» aurait dit<br />

Kant, c'est-à-dire directement conceptuelle et concrètement inaccessible. L'art et aussi la culture, le<br />

patrimoine et toutes ces déclinaisons dont il avait permis l'émergence en son nom, se rendent à des<br />

logiques hétéronomes, maintenant marchandes, spéculatives, labellisées et globalisées. Si elles règnent<br />

encore c'est-à-dire en devenant ironiquement la suprême plus-value qui légitime et civilise le pouvoir<br />

exorbitant et de plus en plus concentré de quelques-uns. On peut alors penser que la gratuité de l'art<br />

n'est plus qu'une question de pauvres. Ils sont de plus en plus nombreux mais ils ont peut-être plus<br />

urgent à régler: faut-il pour cela qu'ils acceptent sans résistance les versions renouvelées d'un antique<br />

«Panem et circenses » ?<br />

Puisqu'à l'image de tout propos liminaire, je reprends et amende cet avant propos après un long<br />

travail et au moment où j'espère sa fin, je me permets enfin de revenir doublement sur mes pas. Tout<br />

d'abord très personnellement pour dire honnêtement combien il me fut parfois difficile de porter<br />

pleinement les incidences de ces réflexions. Motivées comme je l'ai dit par mon expérience<br />

professionnelle ainsi que par les questions auxquelles elle me confrontait, c'est comme si leurs<br />

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