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IMG - Archipel - UQAM

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personne même des marchands n'est pas sans incidence. C'est le cas de Paul Guillaume 789 (1891-1934)<br />

dont on retient surtout qu'il fut le marchand mais aussi le conseiller de Modigliani qu'il convainquit de<br />

se consacrer à la peinture plutôt qu'à la sculpture. Il n'était pas un héritier comme nombre de ses<br />

collègues et c'est pour ce que l'on appelait alors « l'art nègre» qu'il se prit d'abord de passion. Il en fit<br />

le négoce avant même d'ouvrir sa galerie en août 1914 et il est bien connu qu'il vendit de nombreux<br />

objets à Picasso. Il était aussi très lié avec Apollinaire et les soirées chez Guillaume réunissaient tous<br />

ces amateurs qui échangeaient sur ces mondes nouveaux: exotiques ou esthétiques. En 1917, il<br />

organisait la première exposition d'art africain avec catalogue. Il consacra deux ouvrages 790 à ce<br />

domaine et lui donnait souvent une place dans le sommaire de la revue influente et ambitieuse qu'il<br />

fonda en 1918, Les Arts à Paris, lancée avec la collaboration de l'ami Apollinaire. La fascination<br />

266<br />

qu'exerçait l'art africain à cette époque était d'autant plus instinctive dirais-je, qu'elle était liée avec<br />

l'idée du primitivisme qui questionnait tant les aIiistes de l'époque. On a pu dire que leur approche<br />

était superficielle et il faut bien avouer qu'elle était souvent peu encline à considérer les auteurs des<br />

œuvres qui les fascinaient comme leurs égaux. Mais ces créateurs saturés de références, porteurs d'une<br />

culture qu'ils pourfendaient au jour le jour, étaient fascinés par la virginité et l'évidence de celles des<br />

ailleurs. « Les influences de nature étrangère qui s'entremêlaient sont les lambeaux d'une doublure de<br />

la Renaissance encore accrochés à l'âme de nos prochains, car mon frère a l'âme aux branches aiguës,<br />

noires d'autoITU1e. Mon autre frère est naïf et bon et rit. Il mange en Afrique ou au long des îles<br />

océaniennes. [[ concentre sa vision sur la tête, la taille dans du bois dur comme le fer, patiemment, sans<br />

se soucier du rappoli conventionnel entre la tête et le reste du corps. Sa pensée est: l'homme marche<br />

verticalement, toute chose de la nature est symétrique. En travaillant, les relations nouvelles se rangent<br />

par degrés de nécessité; ainsi naquit l'expression de la pureté 791 ». Était-il possible alors de parler<br />

autrement de ces œuvres qui exprimaient la même intensité que les statues antiques d'un temps où l'art<br />

ne se présentait pas encore comme tel? Et on peut aussi se demander si l'actuelle possibilité de<br />

considérer un art contemporain africain ne tient pas d'abord au fait qu'il se présenterait comme une<br />

version locale de l'art occidental, concept maintenant « globalisé ». Au début du XX e siècle, et plus<br />

encore dans l'après-guerre, l'heure était à la fascination gourmande et à la fête qui mélange les gemes<br />

et les statuts sociaux. C'est tout cela qui produit aussi, quelques années plus tard, la désormais célèbre<br />

« Revue Nègre ». Elle eut pour cadre le tout nouveau Théâtre des Champs-Élysées, emblème de l'art<br />

déco. Son administrateur cherchait une idée pour renouveler l'intérêt du public: elle lui fut foumie par<br />

son ami le peintre Fernand Léger et réalisée grâce à l'américaine Caroline Dudley qui alla chercher<br />

789 Colette Giraudon, Paul Guillaume et les peintres du XX" siècle, de l'art nègre à l'avant-garde, Paris,<br />

Bibliothèque des arts, 1993 et aussi Les arts à Paris chez Paul Guillaume 1918-1935, Paris, RMN, 1993.<br />

790 Réédités en 2000 sous le titre Les écrits de Paul Guillaume par les éditions Ides et Calendes, Neufchâtel.<br />

791 Tristan Tzara, Note 6 sur l'art nègre, Sic, n021-22, sept.-oct. 1917, p.2.

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