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IMG - Archipel - UQAM

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essentiellement objective de la vie humaine. Cette trace est encore présente dans les termes employés<br />

235<br />

673<br />

dans l'artisanat mais on voit aussi combien l'identification progressive de l'activité de l'aI1iste par<br />

rapport à celle de j'artisan va relever d'un processus d'émancipation. À l'idée de maîtrise s'ajoute celle<br />

de réversibilité car l'œuvre peut être détruite, ce qui indique que j'homme reste maître du devenir de<br />

son activité et de la possibilité d'un nouveau, dimension éminemment présente dans la revendication<br />

artistique à l'époque qui nous intéresse.<br />

Mais on pense aussI à l'ambiguïté, vOIre la contradiction, portée par cette première<br />

caractéristique objective dans ce que Arendt appelle le procès de subjectivisation de la science<br />

moderne, reflétant d'ailleurs celle du monde. L'art moderne et ses conditions qui se cristallisent au<br />

XIX e anticipent cette évolution. L'un de ses aspects, parfaitement illustré par l'œuvre de Mallarmé par<br />

exemple, est l'émancipation de la forme signifiante relativement au contenu signifié compris comme le<br />

« sujet »674 de la représentation. Elle va de pair avec l'émancipation de l'espace pictural du « tableau »,<br />

que circonscrit le cadre, le cadrage,675 vis-à-vis du sujet. Il n'en occupe plus le centre et n'en détermine<br />

plus toute l'organisation plastique. C'est l'équilibre esthétique intrinsèque des éléments picturaux qui<br />

organise l'espace, lequel perd donc de sa profondeur 676 JI se projette sur la surface, indépendamment<br />

de la valeur représentative ou symbolique de ces éléments. Cela signifie encore que les éléments du<br />

673 Pour accéder il la maîtrise, les « compagnons du devoir» ou du « Tour de France» doivent en effet produire un<br />

chef-d'œuvre.<br />

674 Cela concorde évidemment avec le rejet progressif de la représentation aussi bien en art que dans la<br />

philosophie, l'épistémologie etc., avec le mouvement déconstructionniste (Foucault, Derrida, etc.) qui développe<br />

symétriquement le thème de la mort du sujet transcendantal et de sa dimension synthétique. Ici, une fois de plus,<br />

l'art a anticipé ce qui sera dogmatisé, mais qui avait cependant aussi déjà été pensé ou pressenti intellectuellement,<br />

par exemple par Nietzsche.<br />

675 Mais la fonction ou la signification du cadre va aussi changer. Il entoure d'abord le tableau en « centrant» le<br />

sujet et tant que sa nature représentative reste dominante ou évidente, il ne fait qu'en souligner et délimiter l'unité<br />

interne, organisée autour du sujet central dominant. Ensuite, le rapport se renversera et c'est le cadre, comme<br />

détachement du tableau à l'égard du mur, qui créera vraiment l'espace dans lequel ce qui est inscrit comme art se<br />

montre comme al1. Alors il ne s'agit plus d'une délimitation dans J'espace commun, mais de la création d'un<br />

espace résolument sui generis, qui n'est plus circonscrit par ses limites dans l'espace commun (comme le rideau<br />

circonscrit l'espace de la scène face au public, articulant la scène avec le public), mais qui est imposé comme<br />

porteur de ses propres significations autoréférentielles. Du même coup, les formes, les couleurs inscrites dans le<br />

tableau ne se réfèrent plus qu'aux rapports qu'elles entretiennent entre elles dans « l'espace pictl.lral» qu'elles<br />

constituent souverainement elles-mêmes. Le tableau devient ainsi l'espace exclusif de création de la signification,<br />

qui ne réfère plus qu'aux rapports internes qui y sont établis entre les formes. Alors, à travers un épurement<br />

supplémentaire, le cadre peut aussi disparaître derrière le geste de la mise en exposition ou mise en relief dans un<br />

autre espace, tout entier voué à la monstration d'espaces esthétiques, et l'image collée au mur participera de la<br />

valeur exceptionnelle du mur participant lui-même du génie d'un lieu « sacré» dont la puissance se communique<br />

à tout ce qui s'y trouve intégré. Duchamp a exploité cela très directement et très consciemment. Mais était-ce par<br />

une mise en dérision ou plutôt par une mise en abîme exprimant, de manière en même temps ultime et suprême,<br />

que j'affirmation de l'art ne peut plus reposer que sur elle-même, qu'elle ne peut plus qu'être auto-affirmation<br />

arbitraire? Alors le « sublime» coïncide vraiment, immédiatement, avec le vulgaire, 1'« obscène », le plus banal<br />

et le plus trivial. Tendance extrême sans doute, mais justement significative, quintessence.<br />

676 À tous les sens du terme et ceci vaudrait même en 3D, en hologramme, en N dimensions: espaces de pure<br />

construction et de pures transformations, comme dans les images virtuelles digitales.

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