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IMG - Archipel - UQAM

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à bout d'un ensemble de questionnements au sein desquels celui de l'art peut paraître aussi bien<br />

résiduel qu'essentiel. La démonstration, ou sa tentative, dans la conscience de ses inachèvements<br />

successifs, est reprise en permanence. Il ne serait alors pas inutile de se rappeler quels sont ses<br />

fondements. Comme on l'a vu, l'ait s'est progressivement individualisé, permettant l'établissement du<br />

statut de l'artiste libéral et celui de l'objet d'art qu'il produit. L'aIt existe donc mais cette existence,<br />

physique dirais-je, n'est pas suffisante, il devient nécessaire de la qualifier, de l'expliquer: il faut<br />

démontrer l'être de l'art. Commence alors un débat, qui isole et met en résonance des éléments de<br />

compréhension rattachés à ce questionnement aussi bien mais aussi à l'air du temps. On peut parler<br />

d'une quête et elle nous apporte bien des éclairages éminents, sauf qu'à traquer ainsi le sens de cette<br />

présence, qualité intrinsèque et explicite de l'objet d'art constatée ab initia, il semble que l'on en arrive<br />

à perdre de vue cette existence ou, plus encore, à la faire finalement disparaître. Hegel (1770-1831) ne<br />

me paraît pas ironique quand il parle de la «belle âme» pour décrire non des personnes ou des<br />

collègues mais une attitude à l'œuvre dans cette quête. Ainsi que nous Je dit Patocka, ne résulte-t-elle<br />

pas d'une « supériorité» du fait d'un détachement lié au surplomb qu'elle induit mais aussi en termes<br />

d'a priori? Elle se traduit en effet dans une «exigence de spiritualisation, dans la conscience qu'elle a<br />

de la supériorité du monde éthique sur la réalité brute, et elle s'en contente, bien qu'il ne s'agisse que<br />

d'un monde de paroles dont l'idéalité n'a aucune existence en dehors de la pure affirmation<br />

verbale 425 ».<br />

164<br />

Il lui manque la force pour s'aliéner, la force de se faire soi-même une chose et de se supporter<br />

l'être. La conscience vit dans l'angoisse de souiller la splendeur de son intériorité par l'action et<br />

l'être là, et pour préserver la pureté de son cœur elle fuit le contact de l'effectivité et persiste<br />

dans l'impuissance entêtée, impuissance à renoncer à son soi affiné jusqu'au suprême degré<br />

d'abstraction, à se donner la substantialité, à transformer sa pensée en être et à se confier à la<br />

différence absolue. L'objet creux qu'elle crée pour soi-même la remplit donc maintenant de la<br />

conscience du vide. Son opération est aspiration nostalgique qui ne fait que se perdre en<br />

devenant objet sans essence, et au-delà de cette perte retombant vers soi-même se trouve<br />

seulement comme perdue; dans cette pureté transparente de ses moments elle devient une<br />

malheureuse « belle âme », comme on la nomme, sa lumière s'éteint peu à peu en elle-même, et<br />

elle s'évanouit comme une vapeur sans forme qui se dissout dans l'air 426 .<br />

Dans ces mots, il y a l'analyse du philosophe mais aussi celle du témoin direct, du critique de<br />

l'époque: romantique bien sûr. Ils saisissent avec une perspicacité inégalée « l'essence de la nostalgie<br />

du romantique, de sa subjectivité enclose sur soi, incapable d'un autre absolu que l'absolutisation<br />

d'elle-même 427 ». On peut cependant penser aussi qu'elle produit un modèle qui semble dépasser<br />

l'époque romantique elle-même ou alors ne l'avons-nous peut-être pas encore quittée? La<br />

425 Jan Patocka, L'art et le temps, op. cit., p.133.<br />

426 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, La phénoménologie de l'esprit, vol.2, trad. Jean Hyppolite, Paris, Aubier,<br />

1941, p.189.<br />

427 Jan Patocka, L 'art et le temps, op. cil., p.135.

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