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IMG - Archipel - UQAM

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involontairement renversée et Patocka ne s'y trompe pas. « La métaphysique schopenhauerienne de la<br />

musique, avec son irrationalisme dyonisiaque et sa plongée dans le chaos du vouloir primordial qui<br />

dévore tout, accentue plutôt la magie de la musique que le caractère moral auquel s'attachent les<br />

analyses de Schiller et de Hegel 358 ». On ressent ici le ferment majeur qu'il constituera pour Nietzsche<br />

et combien il y a dans ces parcours esthétiques allemands, de la raison bien-sOr mais aussi beaucoup de<br />

passion. Elle paraît filtrer parfois comme un inassouvi mais elle est aussi revendiquée par d'autres<br />

figures de l'époque.<br />

140<br />

Comme le dit si synthétiquement Patocka, « Schelling, en saisissant l'occasion de compléter le<br />

saut moral dans l'absolu, accompli par Fichte, par une philosophie de l'esprit inconscient qui se<br />

cherche dans la nature, trouve dans l'art un "organe de l'absolu" qui comprend l'échelle des êtres<br />

comme odyssée de l'esprit dans la nature. L'art et ses formes fournissent un nouveau fil conducteur,<br />

nécessaire à la spéculation métaphysique qui ne peut plus, comme à l'époque pré-kantienne, prendre<br />

appui sur les sciences de la nature, comprises désormais comme un champ purcmcnt phénoménal,<br />

dépourvu de toute portée métaphysique 359 ». Fichte me paraît en effet poser la même question que<br />

Schopenhauer, insatisfait qu'il est de la condition faite à l'homme par la philosophie critique de Kant.<br />

L'artiste, génial par évidence au moment de l'œuvre et par l'œuvre, a foncièrement un caractère<br />

inhumain. Cela permet de sauvegarder le reste de l'édifice théorique tout en créant un espace pour des<br />

questionnements complémentaires. La question qui hante ces penseurs, au sens que Hugo donne à ce<br />

mot, est celle du plein accomplissement de l'homme qu'on résume le plus souvent à l'idée de liberté<br />

mais il me semble que c'est un peu réduire le propos. L'influence cartésienne est telle sur l'esprit<br />

français qu'il est difficile de concevoir les fondements de cette spiritualité, que je dirais déconsacrée,<br />

qui s'empare alors des réflexions philosophiques allemandes. C'est la conviction profonde qu'au-delà<br />

de la raison, parallèlement, complémentairement, la sensibilité définit également l'homme et son agir.<br />

L'art est donc un exemple essentiel de cette réconciliation mais l'esthétique a aussi, implicitement, une<br />

dimension qui la dépasse. C'est ce que me semble confirmer le parcours de la pensée de Fichte qui<br />

veut fonder la philosophie comme ce que certains appellent une « métascience ». Sa trace est celle<br />

d'une quête pleine d'accumulations et de reprises, sans cesse remise en cause et poursuivie de manière<br />

têtue où les interrogations me paraissent, au moins partiellement et comme souvent, plus peltinentes<br />

que les solutions proposées. Si Fichte avoue sa proximité avec la pensée de Kant, il relève néanmoins<br />

que le Moi, qui constitue le « point suprême» de la pensée transcendantale, pose un problème non<br />

résolu chez Kant. La connaissance de soi étant impossible, le système kantien repose donc sur un sujet<br />

qui ne peut que rester obscur. Fichte rejette l'inconnaissable « chose en soi », tout comme la<br />

358 Jan Patocka, L 'arl elle lemps, op. cil., p.174.<br />

359 Ibid. p.J65.

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