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en va de la philosophie tout comme de l'art. Je pense que l'on peut pourtant mettre en perspective ces<br />

pensées allemandes influencées par la trace profonde de Marx et celle, bien différente, d'Oltega y<br />

Gasset pour remarquer qu'elles confinent vers des conclusions qui me paraissent bien proches. Il<br />

semble bien que le risque de l'Entkunstung et de la déshumanisation du monde nous rejoint de plus en<br />

plus et nécessite d'autant plus de distanciation pour que nous puissions en être des observateurs<br />

critiques. Mais il me semble qu'il fallait une étape supplémentaire, au-delà de l'interrogation de « l'art<br />

pour l'art », pour que l'esthétisation du monde puisse devenir pleinement envisageable. Elle tient au<br />

397<br />

développement progressif d'une incertitude sur l'objet de l'art et une concentration exclusive sur son<br />

effet ou sur sa cause, ce qui se révèle la même chose au final. L'intention de l'artiste qui donnait<br />

encore un caractère proprement altistique aux Ready mades de Duchamp, n'est même plus nécessaire.<br />

Nelson Goodman commence par constater - avec nous - que la « littérature esthétique est<br />

encombrée de tentatives désespérées pour répondre à la question "Qu'est-ce que l'ait 7" 1255».<br />

L'emploi de l'adjectif désespéré traduit bien l'esprit de ces quêtes mais dit aussi combien l'auteur les<br />

croit vaines. 11 ajoute que la question est souvent « confondue sans espoir» avec celle de l'évaluation<br />

en art qui peut s'exprimer ainsi: qu'est-ce que l'art de qualité 7 Mais tout cela s'aiguise encore si l'on<br />

considère ce que l'on appelle maintenant l'art environnemental, l'art conceptuel ou l'ait trouvé - une<br />

pierre ramassée sur la route et exposée au musée par exemple. On en arrive à se demander ce qui ferait<br />

que l'objet ou l'événement auquel nous sommes confrontés soit une œuvre d'art. Est-ce le fait qu'un<br />

artiste l'appelle œuvre d'art, qu'elle soit exposée dans un musée ou une galerie 7 Aucune de ces<br />

réponses, demeurant pourtant des indices jusqu'à présent, ne satisfont l'auteur. Pour lui, la question est<br />

mal posée car elle suppose que l'on ne parvient pas à admettre que l'objet puisse fonctionner en tant<br />

qu'œuvre d'art seulement à certains moments. La bonne question serait, ou serait devenue: « quand un<br />

objet fonctionne-t-il comme œuvre d'art 7» ou encore « quand y a-t-il art 7 ». On voit donc avec<br />

évidence que c'est l'autonomie de l'art, patiemment construite avec son concept moderne, qui est ainsi<br />

radicalement remise en cause. Je dirais qu'il n'y a plus d'espace de l'art mais un moment de l'art: il<br />

est éminemment circonstanciel et arbitraire. Et le bouleversement me paraît encore plus profond quand<br />

Goodman propose une réponse à sa question car pour lui un objet, quel qu'il soit, est de l'art quand et<br />

seulement quand il fonctionne symboliquement. Pour lui, le trait saillant de la symbolisation consiste<br />

en ce « qu'elle peut aller et venir. Un objet peut symboliser différentes choses à différents moments et<br />

rien à d'autres. Il peut arriver qu'un objet fonctionne comme art, et qu'une œuvre d'art fonctionne<br />

comme un objet inerte ou purement utilitaire '256 ». Cette lecture suppose donc qu'il n'y a plus non plus<br />

1255 Nelson Goodman, Manières de faire des mondes, [1978], trad. Marie-Dominique Popelard, Nîmes, Éditions<br />

Jacqueline Chambon, 1992, p.89.<br />

1256 Idid., p.94.

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