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IMG - Archipel - UQAM

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exilés de leur monde commun 1 186. Et de l'analyse de cette image, que peut-on retenir: la mer qui<br />

entoure, sépare et réunit à la fois les îles, des ponts que l'on peut construire pour ['enjamber, ou le<br />

socle commun, proprement tellurique, duquel elles émergent? Le kosmos, dans l'antiquité grecque, se<br />

présente comme l'antonyme du khaos, et puisqu'il s'agit de regard sur le monde et d'image du monde,<br />

on pourrait s'amuser à parler d'antipode. Le khaos désignait quant à lui l'espace immense et ténébreux<br />

existant avant l'origine des choses ou le trou, tout aussi primitif, interprétation d'Ovide dans ses<br />

377<br />

Métamorphoses. Étymologiquement, ce kosmos porte donc l'idée d'ordre et c'est la raison pour<br />

laquelle la belle description de l'univers qu'il suppose également est organisée et cohérente, même si,<br />

pleinement symbolique et assumée comme telle, elle s'impose à l'être humain qui y a sa place dans<br />

une harmonie qui le dépasse mais à laquelle il pat1icipe. Dans cette idée réside toute la tension d'une<br />

réflexion qui interroge la capacité de 1'homme à se construire en tant que sujet, individu, pour<br />

exprimer sa cohérence propre et son autonomie, sans perdre son rapport harmonieux avec Je monde.<br />

Mais «cette autoréflexion intérieure à travers laquelle le sujet réalise et affirme son identité<br />

synthétique face à autrui et en rapport avec autrui fait alors place à une hétéroréflexivité qui n'est plus<br />

qu'un jeu de miroirs mobiles entièrement tournés vers l'extérieur, un simple "dehors" qui n'est plus<br />

peuplé "d'autruis" et de choses, mais seulement d'événements entièrement discontinus et aléatoires.<br />

C'est ainsi que Deleuze propose de désigner le sujet non plus comme un « individu », mais comme un<br />

«dividu l187 »1188» parcouru par des flux désirants. On pourrait alors en venir à penser que ce<br />

« dividu » n'est plus le voyageur qui parcourt les îles de ces archipels mais qu'il devient lui-même<br />

l'espace insaisissable d'un voyage interminable, qu'il est proprement « baladé» comme un Ulysse qui<br />

n'aurait pas d'Ithaque où revenir. Dans la même lignée, en 1968, pour signifier « l'identité interne du<br />

monde et du chaos1189 », Gilles Deleuze, emploie la formule « chaosmos ». 11 est alors intéressant de<br />

noter qu'il la reprend tacitement au texte du Finnegan's Wake de James Joyce, paru en 1939. Si cette<br />

œuvre demeure, avec Ulyssel/ 90 qui le précède, une référence majeure de la littérature contemporaine,<br />

certains commentateurs parlent du premier comme un rêve auquel correspondrait le cauchemar du<br />

second. On évoque encore une opposition entre le jour de l'action du premier et la veille nocturne de<br />

celle du second. C'est sur ce balancement que Umberto Eco insiste dans son analyse de l'œuvre I191 . Il<br />

y voit en effet une méditation portée à ses limites extrêmes où l'inconscient de Joyce s'agiterait entre<br />

1186 Rappelons nous Soljenitsyne.<br />

1187 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plaleaux, Capilalisme el schizophrénie JI, Paris, Minuit, 1980; Gilles<br />

Deleuze, « Michel Tournier et le monde sans autrui », Logique du sens, Paris, Minuit, 1969 (Note de l'auteur).<br />

1188 Michel Freitag, «De la Terreur au Meilleur des mondes, genèse et structure des totalitarismes archaïques »,<br />

loc. cit., p.360-361.<br />

1189 Gilles Deleuze, pifférence el répélilion, Presses Universitaires de france, Paris, 1968, p.382.<br />

1190 Paru en 1922.<br />

1191 Umberto Eco, The Aeslhelics of Chaosmos. The Middle Ages ofJames Joyce, trad. Ellen Esrock, Cambridge<br />

MA, Harvard Univ, Press, 1989.

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