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pour lesquelles les intellectuels allemands ne pouvaient pas ressentir la Révolution Française comme<br />

un accomplissement, au moins symbolique des Lumières. Mais ce lien mêlé de méfiance s'explique<br />

d'abord par une certaine arrogance française de l'époque. La France n'est pas encore impériale mais,<br />

pour un Français, il ne fait pas de doute que l'esprit, et ce que l'on appellera plus tard la culture, est<br />

son empire. Si les philosophes français critiquent les institutions et la société françaises, ils ne se<br />

privent pas de donner des leçons ailleurs. S'ils trouvent souvent un exil doré hors d'atteinte d'un<br />

pouvoir qui les menace, c'est auprès de monarques qui, pour partager leurs questionnements et pour<br />

être éclairés, n'en demeurent pas moins des despotes. Avant le capitalisme, l'absolutisme trouvait-il<br />

déjà dans sa critique des ferments pour se renouveler? Le français était la langue de l'aristocratie<br />

européenne, de la diplomatie, des personnes bien nées et bien éduquées. Mais pratiquer le français ne<br />

portait pas que ce symbole de distinction au sens bourdieusien de ce terme: cela voulait dire aussi<br />

penser français et selon cet esprit. Il faut donc voir dans la reconquête de la langue allemande plus que<br />

la résurgence d'un Grund profond et légendaire. Il est bien sûr présent à la manière d'un inconscient<br />

collectif mais, au tournant du XIX" siècle, ce sont les lettres allemandes et les esprits qui s'émancipent<br />

dans l'affirmation de leur identité. Pourquoi donc s'étonner que ce soit de plus au prix d'un<br />

questionnement sur les fondements universels de l'être de l'homme? Au-delà des seuls philosophes,<br />

qui sont aussi et souvent des artistes eux-mêmes, et parce que cette émancipation fait de l'art, ou de<br />

148<br />

l'interrogation sur son sens, l'un de ses vecteurs favoris, ce mouvement entraîne la plupart des<br />

créateurs. « L'ait n'est pas moins conscient que la philosophie des moyens qu'il emploie pour assouvir<br />

ses besoins. Le poète, en fin de compte, est le réalisateur de la somme des énergies supérieures créées<br />

par les humbles efforts de la multitude des hommes pour gagner leur pain, et dont seul il exprime ­<br />

mieux que le philosophe qui l'explique -l'aspect général. Il est la conscience aussitôt éteinte de la vie<br />

qui se réalise 383 ». Parmi ceux qui nous sont demeurés, il est aussi des musiciens et comme l'écrivait<br />

Carl Dahlhaus 384 qui s'est beaucoup intéressé à Ludwig van Beethoven: « Le passé, c'est ce qui a<br />

survécu du passé, c'est donc une partie du présent ». Il en est ainsi de certaines œuvres qui ne font pas<br />

que survivre mais aussi des traces des hommes qui les ont conçues. Pourtant, il est nécessaire de les<br />

interroger pour éclairer pleinement leur signification et les raisons pour lesqueJJes elles peuvent<br />

partiellement trahir leur origine.<br />

On sait quelle est la fortune de la musique et de la figure de Beethoven (1770-1827) dès le XIX·<br />

siècle. Comme Mozart, l'homme porte le destin d'un artiste romantique: génie isolé et malheureux. La<br />

383 Élie Faure, L'esprit des formes, op. cit., p.307-30S<br />

384 Cité par Laurent Feneyrou, « Beethoven et le Griechentum : Notes sur le livre d'Elisabeth Brisson, Le Sacre du<br />

musicien, la référence à l'Antiquité chez Beethoven », Samedi d'Enlrelemps, Ircam, Paris, 19 mai 2001,<br />

disponible sur le site http://www.entretemps.asso.fr/Samedis.

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