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texte centré, légitimement mais alors incomplètement, sur une lecture communautaire stricte de ce<br />

concept pourrait-il s'appliquer à une situation hyper-métissée et devenue mondiale bien que<br />

parfaitement authentique et actuelle?<br />

389<br />

Mais cette réflexion ne s'inscrit-elle pas dans un procès nettement plus large? Car il semblerait<br />

bien que, dorénavant, « on ne reconnaît aux "humanités" qu'une tâche d'archiviste, de bibliothécaire et<br />

de muséographe - comme le fait l'UNESCO en classant les sites qui sont reconnus « patrimoine de<br />

l'humanité» - : cela fournit la marchandise aux industries de f'entertainment et du tourisme, mais<br />

cela n'entre guère dans la formation d'une civilisation mondiale qui deviendrait explicitement<br />

intercivilisationnelle comme elle doit l'être puisque toute civilisation, déjà en elle-même, est à<br />

nombreuses voix: il n'y avait pas qu'Homère qui ait inspiré les· Grecs l229 ». Et cette évolution<br />

« patrimonialisante », en plus des raisons juridiques empêchant une réelle politique en faveur de la<br />

culture populaire et de sa vitalité créative, semble se fonder sur un mouvement plus profond. Les<br />

anthropologues Laurence Carré et Hemi-Pierre Jeudy l230 relèvent divers changements dans le regard<br />

porté sur les pratiques populaires contemporaines et ils les mettent pertinemment en perspective sous<br />

l'angle d'un procès d'esthétisation assez généralisé. Ils constatent d'abord qu'un usage populaire<br />

contemporain, notamment occidental, lié à un lieu ou une activité, se présente le plus souvent en<br />

termes de réserve ou de friche et qu'une certaine marginalité est la condition de son existence. Mais<br />

pour le sauvegarder, des processus de reconnaissance sont nécessaires, rendent visible le dissimulé et<br />

contredisent son essence. Complémentairement, ils évoquent ce qu'ils appellent une « artialisation<br />

socio-anthropologique» qui stérilise la faculté du chercheur à poser un questionnement sur ce qu'il<br />

observe. Dans la sacralisation de son objet d'étude et la reconnaissance associée de sa subjectivité, il<br />

ne semble plus être en mesure que de contempler, comme le spectateur devant l'œuvre d'art. Ils<br />

questionnent aussi la multiplication des pratiques de réappropriation créative des résidus - de notre<br />

consommation - sous la forme d'une « esthétique du quotidien ». En tant qu'expression d'un nouvel<br />

« art de vivre», elle paraît correspondre à la limitation de fait de l'espace du débat démocratique.<br />

Comme une pratique compensatoire, elle devient· une prise de parole qui se présente sous la forme<br />

d'une exacerbation très circonscrite, proprement irresponsable puisque sans pouvoir, de l'expression<br />

des individus. D'autres ont déjà montré la transformation de la société et de la politique en spectacle, il<br />

n'est donc pas étonnant qu'elle se décline au niveau individuel et que des pratiques alternatives soient<br />

initiées par des spect-acteurs à l'image de leurs homologues consom-acteurs. On peut néanmoins<br />

1229 Michel Freitag, « La dissolution systémique du monde réel dans l'univers virtuel des nouvelles technologies<br />

de la communication informatique: une critique ontologique et anthropologique », loc.cit., p.49-50.<br />

\230 Laurence Carré, Henri-Pierre Jeudy, « Esthétiques au quotidien», Socio-Anthropofogie, n08 Cultures­<br />

Esthétiques, s.p., Mis en ligne le 15 janvier 2003, sur: http://socio-anthropologie.revues.org/indexI19.htm.

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