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IMG - Archipel - UQAM

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produit) : une activité sans cesse en transformation 30 ». Elle agit donc dans cette appropriation mais<br />

cette action n'est en mesure d'exister que parce que la langue est vivante et que ses mots sont utilisés<br />

pour construire des discours. À la lecture du « vocabulaire» de Benveniste, on ne manque d'ailleurs<br />

pas de se demander si ce sont les institutions indo-européennes qui portent les mots, les créent en<br />

fonction de leur projet et de son évolution, ou le contraire. Le va-et-vient est permanent et il est<br />

irréductible, heureusement. La frontière est donc ténue et il est important d'en avoir conscience,<br />

d'autant plus si les mots qui nous occupent sont devenus les supports d'un concept pris dans son sens<br />

plus sociologique. Comme le dirait Michel Freitag, il ne désigne alors pas seulement une idée distincte<br />

au plan de la représentation et de la description intellectuelle, littéraire, linguistique, d'une réalité<br />

sociale. Il désigne aussi la cohésion immanente à cette réalité, à son « type» social, son mode social<br />

d'existence propre, le modèle de structuration spécifique de la pratique sociale significative telle<br />

qu'elle se distingue ou se différencie elle-même des autres pratiques. II s'agit alors de ne pas opposer<br />

une appréhension subjective et une appréhension objective d'une même réalité sociale puisque le<br />

concept sociologique réfère également à la conscience non formalisée de ceux qui agissent au nom de<br />

ce concept. Car ils le font en sachant le distinguer d'autre chose et donc en reconnaissant le sens social<br />

spécifique de cet agir. Et ils le font également en portant, même de manière incertaine, l'héritage de<br />

multiples réflexions théoriques qui façonnent et amendent sa signification.<br />

La nature fait que l'animal se construit une coquille pour l'accueillir et le protéger, qu'elle est<br />

donc une partie de lui-même mais, qu'en même temps, elle lui est extérieure. On dirait qu'il en va de<br />

même avec le mot qui désigne le concept et l'accueille comme la coquille le fait pour l'animal. Et on<br />

peut aussi se demander si, comme la coquille demeure alors que l'animal meurt, il n'en serait pas de<br />

même avec ces mots. Mais ces évolutions ne se passent pas de manière manifeste ou radicale: je dirais<br />

qu'on ne célèbre pas de funérailles au moment du décès. S'agit-il d'ailleurs bien d'un décès ou d'un<br />

rapt et peut-on même jamais s'aviser que la coquille se soit à un moment vidée du corps pour lequel<br />

elle était d'abord façonnée puisqu'elle ne reste pas vide? On pourra penser que je plaisante en donnant<br />

cette tonalité policière à une enquête socio-historique sur ce type de sujet. On pourra aussi penser que<br />

c'est avec le présent qu'il convient de travailler sociologiquement et que la coquille est présentement<br />

habitée, ce qui clôt le problème. Néanmoins, si l'enquête policière a pour raison d'être l'existence d'un<br />

préjudice qui touche d'abord l'ordre social, il me semble en aller de même dans cette étude et c'est ce<br />

que j'essaierais de montrer. Car si la coquille est encore habitée, c'est au nom d'un concept trahi et ce<br />

qui pose alors problème c'est le passer pour, le laisser dire, qui supposent un vouloir dire implicite qui<br />

se cache. Une pareille rétrospective ne saurait avoir pour but une quelconque réparation d'un éventuel<br />

30 Henri Meschonnic, « Ce que la clarté empêche de voir, À propos de la langue française », loc.cit., p.59.<br />

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