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IMG - Archipel - UQAM

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parfois une assourdissante cacophonie. Au même rythme que l'évolution de l'espace de la<br />

représentation et des théories qui nous y donnaient accès, on a pu assister à une désubstantialisation<br />

progressive de l'œuvre. Mais, même en l'absence d'objet concret sur lequel se fonder, le discours<br />

demeure et peut apparaître parfois pure jubilation rhétorique, donc pleinement et seulement esthétique.<br />

Il rend pourtant compte de multiples enjeux dans lesquels il puise sa légitimité maintenant utilitariste.<br />

Poursuivant sa tentative de définition générique de l'œuvre d'art, Focillon disait que« l'espace est son<br />

domaine, non l'espace de l'activité commune, celui du stratège, celui du touriste, mais l'espace traité<br />

par une technique qui se définit comme matière et comme mouvement. L'œuvre d'art est mesure de<br />

l'espace, elle est forme, et c'est ce qu'il faut d'abord considérer I289 ». Quelques soixante ans nous en<br />

séparent mais il semble que cette proposition peut être totalement renversée. Ce retournement peut être<br />

compris comme le résultat d'un mouvement conjoint d'émancipation et d'asservissement, comme si à<br />

mesureque l'on savait mieux identifier et donc isoler l'objet, on pouvait aussi mieux l'exploiter. Car<br />

n'est-ce pas ce qui se passe dans ces différents processus emboîtés qui semblent s'alimenter<br />

mutuellement? La dimension stratégique d'une maîtrise de l'art et plus largement de la culture s'est,<br />

comme on l'a vu, particulièrement manifestée à partir de la guerre froide. Elle rendait possible la<br />

combinaison de procès politiques et économiques, qui demeurent irréductiblement liées pour établir<br />

une «toute puissance l290 » inaccessible. L'institutionnalisation culturelle de l'art a eu notamment pour<br />

résultante une logique de muséification de plus en plus généralisée qui alimente le tourisme transformé<br />

en industrie de services majeure, en Occident au moins. Dans un renversement qui aurait pu paraître<br />

périlleux, voire inimaginable il y a encore peu, l'art en arrive à servir de faire valoir à son médiateur.<br />

Un exemple d'une telle évolution me semble se manifester avec l'exposition inaugurale du Musée de<br />

L'Orangerie à Paris intitulée «Orangerie, 1934 : les Peintres de la réalité l291 ». L'exposition de 1934 a<br />

bien entendu, du fait de l'éclairage qu'elle apportait sur l'œuvre de La Tour notamment, laissé des<br />

traces ineffaçables pour tous les historiens de l'art français. On pourrait dire qu'elle inventait ce peintre<br />

majeur comme aurait pu le faire un archéologue d'un trésor jusqu'alors oublié. Elle se présente dans la<br />

mémoire professionnelle des conservateurs de musées français comme une action d'éclat que chacun<br />

d'entre eux aspirerait à rééditer. La restitution de ce fleuron, principalement actualisé par les nouvelles<br />

1289 Henri Focillon, Vie des formes, op. cit., p.6.<br />

1290 Voir Michel Freitag, «De la Terreur au Meilleur des mondes, genèse et structure des totalitarismes<br />

archaïques », loc. cit.<br />

1291 «Orangerie, 1934: les Peintres de la réalité », Musée de l'Orangerie à Paris du 22 novembre 2006 au 5 mars<br />

2007. Sa présentation, sur le site informatique du musée, indique qu'elle veut « faire un lien symbolique entre le<br />

passé et l'avenir de l'Orangerie en évoquant une de ses expositions passées les plus notoires et les plus fécondes,<br />

"Les Peintres de la réalité en France au xvII" siècle", organisée en 1934 par Paul lamot et Charles Sterling, qui<br />

renouvela profondément et durablement J'appréciation de l'art français du XVIIe siècle et où fut révélé au public<br />

1'œuvre de Georges de La Tour». On voit alors que ce ne sont pas les œuvres picturales présentées qui sont<br />

premières dans cette intention mais bien la célébration de la restitution d'une toute autre œuvre, proprement<br />

muséographique.

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