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normaux de la vie. Œuvrant pour ce qu'il appelle la légitimation d'une sous-culture, il s'intéresse<br />

particulièrement au rap dans cet ouvrage. S'il se présente aussi comme un amateur de ce qui lui paraît<br />

encore relever de la «ghetto music », je crois qu'il faut se garder d'oublier qu'il est également, et<br />

surtout, un philosophe et on peut se poser la question de l'audience visée par son propos. Elle est bien<br />

entendu spécialisée et l'enjeu est à nouveau celui d'une reconnaissance arbitrale puisque celle du<br />

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spectateur, aussi réelle soit-elle selon lui, n'est au final pas suffisante. Il note que qualifier son sujet en<br />

utilisant l'adjectif populaire induit une péjoration sociale liée à la dénonciation d'une vulgarité qui, par<br />

antithèse, légitime les pratiques nobles d'un art prétendument véritable. De même, il refuse une autre<br />

légitimation de cet emploi par opposition au qualificatif savant puisqu'il existe des disciplines<br />

présentant des degrés variables de recherche et de raffinement. C'est par exemple le cas du septième<br />

art dans lequel il existe des œuvres dites «grand public» ou «art et essai» et le cas du jazz est<br />

semblable. Shusterman et d'autres auteurs postulent donc qu'il existe la même différentiation au sein<br />

de formes intervenues plus récemment à l'exemple du rap. Le classer intégralement parmi les arts<br />

populaires, outre le procès de déconsidération que cela représente, c'est donc aussi oublier sa diversité.<br />

Il exprime son objectif comme une contribution à une reconnaissance de l'art populaire, même s'il n'a<br />

pas encore gagné sa légitimation sociale. Il lui donne aussi la dimension d'une critique sérieuse,<br />

autonome et consciente de son rôle visant à contrebalancer le poids de ce qu'il nomme les mass­<br />

médias dans lesquels il englobe à la fois les réseaux de diffusion et d'information. On peut alors se<br />

demander si, à sa manière et tout en dénonçant la posture adoptée en son temps par Adorno<br />

notamment, il n'en vient pas à revendiquer une distinction qualitative qui apparaîtrait élitiste à sa<br />

façon. La critique adornienne de la « régression de l'écoute », effet de l'élargissement de l'audience du<br />

fait de la vulgarisation de la diffusion qu'il ne dénonce pas en soi, vise la dissolution des capacités<br />

fondatrices du jugement de goût qu'elle entraîne. «Le fétichisme de la musique s'accompagne d'une<br />

régression de l'écoute [...], c'est elle qui est restée à un stade infantile. Avec leur liberté de choix et<br />

leur responsabilité, les sujets écoutants perdent non seulement la possibilité d'une connaissance<br />

pleinement consciente de la musique, capacité qui a de tàit toujours été limitée à des groupes restreints,<br />

mais, dans leur réticence, c'est la possibilité même d'une telle connaissance qu'ils niene 2ül ». Il me<br />

semble que c'est implicitement une posture de connaisseur, et donc d'esthète, qu'adopte ainsi<br />

Shusterman tout en se situant dans un domaine créatif qu'Adorno eût certainement renié. Car ce qui le<br />

distingue et l'oppose aussi au théoricien de Francfort qui appelle à une radicalité artistique exclusive,<br />

c'est l'importance qu'il accorde à la dimension sociale - plus que politique - explicite de la création.<br />

Il la revendique comme une nécessité et il considère que c'est, quand elle existe, une raison<br />

1201 Theodor Wiesengrund Adorno, Le caractère fétiche dans la musique, trad. Christophe David, Paris, Éditions<br />

Allia, 2001, p.49-50.

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