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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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conquêtes avaient été accompagnées <strong><strong>de</strong>s</strong> mille violences que peut se perm<strong>et</strong>tre<br />

une soldatesque barbare dans l’ivresse du triomphe. Mais quand <strong>la</strong> première<br />

fièvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> conquête fut passée, les rapports entre les indigènes <strong>et</strong> les<br />

envahisseurs se réglèrent <strong>et</strong> prirent un caractère plus pacifique. Les barbares<br />

<strong>la</strong>issèrent les Romains en possession <strong>de</strong> tout ce dont ils n’avaient pas besoin ou<br />

envie pour eux-mêmes. Les indigènes gardèrent <strong>la</strong> vie, <strong>la</strong> liberté, les p<strong>et</strong>its<br />

héritages, <strong>la</strong> jouissance presque exclusive <strong><strong>de</strong>s</strong> enceintes muraillées, que les<br />

barbares continuaient <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r comme <strong><strong>de</strong>s</strong> tombeaux, <strong>et</strong> où ils n’aimaient pas<br />

d’aller s’enfermer. Les vainqueurs s’installèrent à <strong>la</strong> campagne, dans les<br />

domaines enlevés aux grands propriétaires <strong>et</strong> au fisc, les exploitèrent, <strong>et</strong> y<br />

vécurent en <strong>pays</strong>ans <strong>la</strong>borieux <strong>et</strong> ru<strong><strong>de</strong>s</strong> qui avaient peu <strong>de</strong> besoins. Ils ne<br />

pensèrent pas à relever les luxueuses vil<strong>la</strong>s incendiées au cours <strong>de</strong> tant<br />

d’invasions, <strong>et</strong> dont eux-mêmes avaient fait f<strong>la</strong>mber les <strong>de</strong>rnières ; ils n’avaient<br />

que faire d’hypocaustes, <strong>de</strong> salles <strong>de</strong> bains, <strong>de</strong> mosaïques <strong>et</strong> <strong>de</strong> bibliothèques ;<br />

eussent-ils éprouvé le désir <strong>de</strong> ces obj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> luxe, il n’y avait plus personne pour<br />

reconstituer ces richesses anéanties. Ils firent comme, après <strong>la</strong> Révolution, ont<br />

fait tant <strong>de</strong> <strong>pays</strong>ans voisins <strong><strong>de</strong>s</strong> grands monastères détruits : ils bâtirent dans les<br />

ruines ou à côté, parfois adossant à quelque vieux pan d’architecture leurs<br />

cabanes sans étage, sans p<strong>la</strong>ncher, sans p<strong>la</strong>fond, couvertes <strong>de</strong> chaume, <strong>et</strong> qui ne<br />

se distinguaient que par leurs proportions <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> leurs serfs <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs<br />

colons. Et là, attachés désormais à <strong>la</strong> terre comme à une mamelle opulente, ils<br />

s’habituèrent à <strong>la</strong> vie <strong>la</strong>borieuse du <strong>pays</strong>an, ils prirent même le goût du travail<br />

<strong>de</strong>venu fructueux, gardant d’ailleurs, comme un héritage <strong>de</strong> race, leur passion<br />

pour <strong>la</strong> guerre <strong>et</strong> pour <strong>la</strong> chasse, qui en est l’image affaiblie.<br />

Au prix <strong>de</strong> quelle interminable série <strong>de</strong> souffrances <strong>et</strong> d’injustices se fit c<strong>et</strong>te<br />

substitution d’une race à une autre, il serait difficile <strong>de</strong> le dire, car les<br />

gémissements mêmes <strong><strong>de</strong>s</strong> vaincus ne sont pas venus jusqu’à nous, <strong>et</strong> les<br />

effroyables convulsions <strong><strong>de</strong>s</strong> premières heures ne ren<strong>de</strong>nt qu’une rumeur sour<strong>de</strong><br />

<strong>et</strong> confuse dans <strong>la</strong>quelle l’oreille ne perçoit rien <strong>de</strong> distinct ni <strong>de</strong> compréhensible.<br />

Un brusque renversement s’est fait, qui a mis les barbares brutaux <strong>et</strong> cruels au<br />

somm<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’échelle sociale, <strong>et</strong> qui a précipité dans <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é ou dans le<br />

prolétariat quantité d’opulentes familles déshabituées du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> mains. Une<br />

nation s’est constituée sur les têtes <strong><strong>de</strong>s</strong> Romains, dans <strong>la</strong>quelle les Romains ne<br />

sont pas admis. Ils sont <strong><strong>de</strong>s</strong> vaincus, <strong>et</strong> à ce titre, ils ne constituent que <strong>la</strong><br />

secon<strong>de</strong> catégorie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Et puis, ils ne sont que <strong><strong>de</strong>s</strong> civils, <strong>et</strong> un<br />

peuple qui ne connaissait d’autre gloire que celle <strong><strong>de</strong>s</strong> armes <strong>de</strong>vait les tenir en<br />

mépris. Ils gar<strong>de</strong>nt donc leur liberté <strong>et</strong>, dans une certaine mesure, leurs terres,<br />

mais ils sont exclus <strong>de</strong> l’armée <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions publiques, <strong>et</strong> le droit national <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Francs consacre leur infériorité vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> vainqueurs, en ne leur accordant<br />

que <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> <strong>la</strong> valeur du barbare. Là où <strong>la</strong> personne <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier vaut <strong>de</strong>ux<br />

cents sous d’or, celle du Romain n’en vaut que 1001 ! Tous les délits dont il a à<br />

se p<strong>la</strong>indre sont tarifés à <strong>la</strong> même proportion ; tous ceux qu’il comm<strong>et</strong> sont punis<br />

le double <strong>de</strong> ceux du Franc. Telle sera, dans le nouveau royaume, <strong>la</strong> condition<br />

faite aux Romains, jusqu’au jour où Clovis viendra rétablir l’égalité entre les <strong>de</strong>ux<br />

races dans son royaume agrandi.<br />

Par contre, tout ce que les Francs rencontrèrent <strong>de</strong> soldats germaniques établis<br />

avant eux sur le sol qu’ils conquirent, ils leur tendirent <strong>la</strong> main <strong>et</strong> les associèrent<br />

à leur triomphe, <strong>de</strong> même que, sans doute, ils les avaient eus pour alliés dans<br />

leurs combats. Barbares, ils reconnaissaient leurs égaux dans les barbares :<br />

1 Lex Salica, passim.

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