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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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formules <strong>de</strong> l’horreur ? Ce fut, dit l’un d’eux, une lutte atroce, multiple,<br />

monstrueuse, acharnée. L’antiquité n’a rien <strong>de</strong> comparable à nous raconter, <strong>et</strong><br />

celui qui n’a pas été témoin <strong>de</strong> ce merveilleux spectacle ne rencontrera plus rien<br />

qui le surpasse dans sa vie1. Si l’on en peut croire <strong>la</strong> tradition, un p<strong>et</strong>it ruisseau<br />

qui passait sur le champ <strong>de</strong> bataille fut tellement grossi par les flots <strong>de</strong> sang,<br />

qu’il se changea en torrent impétueux2. Le len<strong>de</strong>main, au dire du même<br />

narrateur, cent soixante mille cadavres jonchaient <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine <strong>de</strong> Mauriac, <strong>et</strong> les<br />

soldats d’Aétius, plongés dans <strong>la</strong> stupeur, reconnaissaient leur victoire au sinistre<br />

silence que gardait l’armée d’Atti<strong>la</strong>, enfermée <strong>de</strong>rrière son r<strong>et</strong>ranchement <strong>de</strong><br />

chariots3. On n’osa pas l’y inquiéter, <strong>et</strong> le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Huns, obligé <strong>de</strong> se r<strong>et</strong>irer, le fit<br />

à <strong>la</strong> manière du lion blessé, qui reste <strong>la</strong> terreur <strong>de</strong> son ennemi. Toutefois l’Europe<br />

était sauvée. Aétius se trouva assez fort pour se passer du dangereux concours<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths, <strong>et</strong> pour surveiller seul <strong>la</strong> r<strong>et</strong>raite <strong><strong>de</strong>s</strong> Huns. Une re<strong>la</strong>tion nous<br />

apprend qu’il s’adjoignit les Francs4, <strong>et</strong> l’on peut adm<strong>et</strong>tre que ce peuple, qui<br />

avait après <strong>la</strong> victoire le plus grand intérêt à refouler l’ennemi <strong>de</strong> ses frontières,<br />

ait été associé à <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière tache <strong>de</strong> <strong>la</strong> campagne5. Mérovée aura donc terminé<br />

c<strong>et</strong>te lutte <strong>de</strong> même qu’il l’avait inaugurée, <strong>et</strong> c’est l’épée <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs que les<br />

Huns fugitifs auront eue constamment dans les reins, pendant qu’ils recu<strong>la</strong>ient<br />

<strong>de</strong> Mauriac jusqu’aux confins <strong>de</strong> <strong>la</strong> Thuringe, où A<strong>et</strong>ius les reconduisit à <strong>la</strong> tête <strong>de</strong><br />

ses soldats victorieux.<br />

La victoire <strong>de</strong> Mauriac avait été le triomphe du génie militaire sur <strong>la</strong> force brutale<br />

du nombre, <strong>et</strong> <strong>la</strong> gloire en doit être <strong>la</strong>issée au grand général romain. Mais les<br />

barbares qui avaient servi sous ses ordres dans c<strong>et</strong>te journée n’entendirent pas<br />

qu’elle leur fût disputée : c’était, à les en croire, leur triomphe national à eux ;<br />

chacun vou<strong>la</strong>it avoir vaincu les Huns à lui seul. Les Visigoths allèrent plus loin :<br />

ils mirent en circu<strong>la</strong>tion une légen<strong>de</strong> d’après <strong>la</strong>quelle Aétius, pour s’attribuer les<br />

honneurs du triomphe <strong>et</strong> conserver le champ <strong>de</strong> bataille, en aurait écarté par <strong>la</strong><br />

ruse d’une part Atti<strong>la</strong>, <strong>de</strong> l’autre le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Visigoths6. Colportée chez les Francs,<br />

c<strong>et</strong>te légen<strong>de</strong> y reçut un complément inévitable : le roi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nation, dit-on,<br />

avait été éloigné7 grâce au même artifice. C’est ainsi que <strong>de</strong> toutes parts <strong>la</strong><br />

vanité barbare s’attachait à diminuer l’auréole que m<strong>et</strong>tait autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> tête<br />

d’Aétius son incomparable triomphe <strong>de</strong> 451. Elle n’y est point parvenue ;<br />

l’histoire a oublié les traditions épiques <strong><strong>de</strong>s</strong> foules, <strong>et</strong> elle a r<strong>et</strong>enu les paroles<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> annalistes. Nous n’avons donc pas à nous en occuper davantage, non plus<br />

que <strong><strong>de</strong>s</strong> traditions locales sur le passage d’Atti<strong>la</strong> en Gaule, à l’aller <strong>et</strong> au r<strong>et</strong>our.<br />

Elles ne contiennent que <strong><strong>de</strong>s</strong> récits fal<strong>la</strong>cieux, <strong>et</strong> ce n’est pas <strong>la</strong> peine d’en<br />

remplir l’imagination du lecteur, puisqu’il faut, au nom d’une bonne critique, les<br />

biffer <strong>de</strong> l’histoire8.<br />

1 Jordanès, c. 40.<br />

2 Jordanès, c. 40.<br />

3 Jordanès, c. 40.<br />

4 Agecius vero cum suis, <strong>et</strong>iam Francos secum habens, post tergum direxit Chunorum,<br />

quos usque Thoringia a longe prosecutus est. Frédégaire, II, 53.<br />

5 Wi<strong>et</strong>ersheim, Geschichte <strong>de</strong>r Vœlkerwan<strong>de</strong>rung, 2e édition, t. II, p. 258.<br />

6 Frédégaire, l. c.<br />

7 Grégoire <strong>de</strong> Tours, II, 7.<br />

8 Lire sur <strong>la</strong> bataille <strong>de</strong> Mauriac l’excellente étu<strong>de</strong> critique <strong>de</strong> M. A. <strong>de</strong> Barthélemy,<br />

intitulée : <strong>la</strong> Campagne d’Atti<strong>la</strong>. Invasion <strong><strong>de</strong>s</strong> Huns dans <strong>la</strong> Gaule en 451 (Revue <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

questions historiques, t. VIII), <strong>et</strong> le mémoire <strong>de</strong> G. Kaufmann, Ueber die Hunnensch<strong>la</strong>cht<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> Jahres 451 (Forschungen sur Deutschen Geschichte, t. VIII), ainsi que les chapitres

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