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clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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combien d’autres occurrences elle aura eu force <strong>de</strong> loi ! Ce qui semble pouvoir<br />

être affirmé, c’est que, dans aucun cas, un siège épiscopal n’aurait pu être donné<br />

contrairement à sa volonté. Au dire du biographe <strong>de</strong> saint Sacerdos, ce pré<strong>la</strong>t fut<br />

élevé au siège épiscopal <strong>de</strong> Limoges par l’élection du clergé, aux acc<strong>la</strong>mations du<br />

peuple, avec le consentement du roi Clovis1. Voilà bien, désormais, les trois<br />

éléments distincts qui constituent l’élection d’un évêque.<br />

Un épiso<strong>de</strong> bien authentique va nous montrer <strong>de</strong> fort près c<strong>et</strong>te situation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

royauté en face <strong>de</strong> l’Église, <strong>et</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> l’influence qui lui est reconnue. Sur <strong>la</strong><br />

recommandation <strong>de</strong> Clovis, saint Remi <strong>de</strong> Reims avait conféré les ordres sacrés à<br />

un certain C<strong>la</strong>udius. C<strong>et</strong> individu était probablement déjà suspect ; après <strong>la</strong> mort<br />

du roi, il donna un grand scandale. On voit qu’entre autres il avait<br />

frauduleusement dépouillé <strong>de</strong> ses biens un nommé Celsus, <strong>et</strong> saint Remi convient<br />

lui-même qu’il était coupable <strong>de</strong> sacrilège. Néanmoins il intervint en sa faveur <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>manda qu’il fût admis à <strong>la</strong> pénitence, alors qu’aux termes du concile d’Orléans<br />

il <strong>de</strong>vait être excommunié. C<strong>et</strong>te indulgence lui valut d’amers reproches <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

part <strong>de</strong> trois évêques, Léon <strong>de</strong> Sens, Héraclius <strong>de</strong> Paris <strong>et</strong> Théodore d’Auxerre.<br />

Autant qu’il est possible d’entrevoir leur attitu<strong>de</strong>, ils rendirent l’évêque <strong>de</strong> Reims<br />

responsable <strong><strong>de</strong>s</strong> fautes <strong>de</strong> son protégé ; ils lui firent notamment un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong><br />

rechercher <strong>et</strong> d’in<strong>de</strong>mniser lui-même les créanciers <strong>de</strong> C<strong>la</strong>udius ; enfin, ils lui<br />

rappelèrent que si ce malheureux avait pu j<strong>et</strong>er le discrédit sur sa robe, on le<br />

<strong>de</strong>vait à <strong>la</strong> pusil<strong>la</strong>nimité <strong>de</strong> Remi, qui l’avait ordonné à <strong>la</strong> prière du roi <strong>et</strong><br />

contrairement aux canons, Dans sa réponse, qui nous a été conservée, le saint<br />

se défend assez mollement sur <strong>la</strong> question du fond ; il convient d’ailleurs d’avoir<br />

déféré au désir <strong>de</strong> Clovis <strong>et</strong> continue sur un ton énergique :<br />

Oui, j’ai donné <strong>la</strong> prêtrise à C<strong>la</strong>udius, non à prix d’or, mais sur le témoignage du<br />

très excellent roi, qui était non seulement le prédicateur, mais encore le<br />

défenseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> foi. Vous m’écrivez que sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’était pas conforme aux<br />

canons. C’est le maître du <strong>pays</strong>, c’est le gardien <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, c’est le<br />

triomphateur <strong><strong>de</strong>s</strong> nations qui me l’avait enjoint2.<br />

On ne prendra pas au pied <strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière expression, inspirée au<br />

saint vieil<strong>la</strong>rd par le sentiment d’une détresse morale qu’il ne parvient à cacher<br />

que d’une manière imparfaite à ses contradicteurs. L’âpr<strong>et</strong>é même <strong>de</strong> leurs<br />

reproches <strong>et</strong> <strong>la</strong> faiblesse <strong>de</strong> ses excuses nous perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> nous rendre un<br />

compte exact <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation qui est l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te correspondance. Clovis avait<br />

obtenu <strong>de</strong> saint Remi un acte contraire à <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion canonique. On peut m<strong>et</strong>tre<br />

une bonne partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> con<strong><strong>de</strong>s</strong>cendance <strong>de</strong> l’évêque <strong>de</strong> Reims sur le compte <strong>de</strong><br />

ses re<strong>la</strong>tions spéciales avec Clovis. Le pontife avait pour son royal filleul <strong>la</strong><br />

tendresse d’un père, avec le respect presque religieux qui lui faisait voir en Clovis<br />

l’instrument manifeste <strong>de</strong> <strong>la</strong> Provi<strong>de</strong>nce. C’était sa conquête à lui, c’était sa<br />

gloire, c’était le fruit <strong>de</strong> ses sueurs. Toute sa pensée gravitait autour <strong>de</strong> l’homme<br />

provi<strong>de</strong>ntiel : qu’aurait-il refusé à son fils, à son néophyte, à son roi ? Il y a<br />

quelque chose <strong>de</strong> touchant à le voir, après cinquante-trois ans <strong>de</strong> pontificat,<br />

obligé <strong>de</strong> défendre sa conduite auprès <strong>de</strong> collègues plus jeunes que lui, <strong>et</strong> qui,<br />

comme il le leur rappelle, lui <strong>de</strong>vaient leur ordination. Mais ces confrères avaient<br />

1 Ex vita sancti Sacerdotis (dom Bouqu<strong>et</strong>, III). C<strong>et</strong>te formule semble empruntée au<br />

canon 10 du V. concile d’Orléans en 549 : cum voluntate regis, juxta electionem cleri aut<br />

plebis (Maassen, Concilia, p. 103). Mais il est manifeste que le concile d’Orléans ne put<br />

que consacrer un état <strong>de</strong> choses antérieur, <strong>et</strong> il est impossible <strong>de</strong> supposer que c<strong>et</strong> état<br />

<strong>de</strong> choses ne remonte pas au règne <strong>de</strong> Clovis.<br />

2 M. G. H., Epistolæ merovingici <strong>et</strong> karolini ævi, p. 114.

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