clovis - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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l’empereur Majorien, qu’un écrivain appelle jeune en 458, a participé à <strong>la</strong><br />
bataille. Aucune raison n’est absolument probante, <strong>et</strong> nous sommes réduits à<br />
ignorer <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce exacte que prend dans <strong>la</strong> chronologie le grand fait d’armes qu’on<br />
pourrait appeler l’acte d’émancipation du peuple franc.<br />
Ce fut, sans contredit, un jour fatidique dans l’histoire <strong>de</strong> ce peuple, que celui où,<br />
sortant résolument <strong>de</strong> sa longue inaction, il déboucha <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière les épais<br />
ombrage <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt Charbonnière, qui jusque-là l’avaient en quelque sorte caché<br />
aux Romains <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule. Le soleil <strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation <strong><strong>de</strong>s</strong>cendait alors à l’horizon<br />
<strong>de</strong> l’Empire ; il éc<strong>la</strong>ira <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>rniers rayons <strong>la</strong> vigoureuse entrée en scène <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
conquérants.<br />
Tournai fut le premier poste romain qui tomba au pouvoir <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats <strong>de</strong><br />
Clodion1. Située sur <strong>la</strong> rive gauche <strong>de</strong> l’Escaut, à l’entrée <strong><strong>de</strong>s</strong> vastes p<strong>la</strong>ines <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
F<strong>la</strong>ndre, c<strong>et</strong>te ville s’était développée au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> temps, <strong>et</strong> elle était <strong>de</strong>venue <strong>la</strong><br />
capitale <strong><strong>de</strong>s</strong> Ménapiens. L’Empire y avait un gynécée, c’est-à-dire un atelier pour<br />
<strong>la</strong> conf<strong>et</strong>ti-on <strong><strong>de</strong>s</strong> vêtements militaires. Elle était <strong>la</strong> rési<strong>de</strong>nce d’un évêque on ne<br />
sait <strong>de</strong>puis quelle époque, <strong>et</strong> possédait une communauté chrétienne <strong>de</strong> quelque<br />
importance avant l’invasion <strong>de</strong> 406. Bien que protégée par un soli<strong>de</strong> quadri<strong>la</strong>tère<br />
<strong>de</strong> murailles, elle avait succombé comme toutes les autres sous les coups <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
barbares, <strong>et</strong> saint Jérôme <strong>la</strong> cite dans le funèbre catalogue où il énumère les<br />
pertes <strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation en Gaule. Toutefois l’orage ne fut que passager, <strong>et</strong> <strong>la</strong> ville<br />
avait r<strong>et</strong>rouvé une bonne partie <strong>de</strong> sa popu<strong>la</strong>tion au moment où Clodion s’en<br />
empara. Il est sans doute difficile d’exagérer les violences que les envahisseurs<br />
durent se perm<strong>et</strong>tre contre les <strong>hommes</strong> <strong>et</strong> les choses dans les premiers jours <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> conquête ; en général, ces violences t’avaient aucune limite, <strong>et</strong> le vainqueur<br />
faisait tout ce qui lui p<strong>la</strong>isait. Il faut cependant remarquer que le gros <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion fut épargné, <strong>et</strong> qu’on ne vit pas se reproduire à Tournai les scènes<br />
sang<strong>la</strong>ntes qui avaient marqué <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> Mayence en 368. Tournai garda sa<br />
popu<strong>la</strong>tion <strong>et</strong> sa <strong>la</strong>ngue romaines, même après qu’elle fut <strong>de</strong>venue <strong>la</strong> capitale<br />
d’un royaume barbare : elle assimi<strong>la</strong> rapi<strong>de</strong>ment le contingent franc que <strong>la</strong><br />
conquête versa dans sa popu<strong>la</strong>tion indigène, <strong>et</strong>, restée fidèle à <strong>la</strong> civilisation <strong>de</strong><br />
Rome, elle est, aujourd’hui comme au temps <strong>de</strong> Clodion, à <strong>la</strong> frontière extrême<br />
du mon<strong>de</strong> romain, <strong>la</strong> gardienne <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition gauloise en face <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cendants<br />
<strong>de</strong> ses anciens vainqueurs.<br />
De Tournai, le roi <strong><strong>de</strong>s</strong> Francs j<strong>et</strong>a les yeux sur Cambrai sa voisine, sise en amont<br />
sur les bords <strong>de</strong> l’Escaut, dont les marécages constituaient sa meilleure défense.<br />
Cambrai s’était développée au détriment <strong>de</strong> Bavai, qui dut lui cé<strong>de</strong>r, sans doute<br />
vers le troisième siècle, le rang <strong>et</strong> les avantages <strong>de</strong> cité <strong><strong>de</strong>s</strong> Nerviens. On se<br />
souvenait, parmi les Francs, que c<strong>et</strong>te expédition avait été préparée avec soin :<br />
guerre se p<strong>la</strong>ce dans Idacius en 431 ; ceux qui <strong>la</strong> croient distincte <strong>de</strong> <strong>la</strong> première<br />
supposent qu’elle est dirigée contre Clodion <strong>et</strong> les Saliens. Mais il n’y en a aucune<br />
preuve, <strong>et</strong> puisque Sidoine Apollinaire, Carm., V, 137, veut que Majorien fût un puer lors<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> bataille contre Clodion, <strong>et</strong> prétend qu’il était encore juvenis en 458 (id., ibid., V,<br />
523), il faut bien qu’il n’y ait pas eu un écart <strong>de</strong> vingt ans entre c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière date <strong>et</strong><br />
l’inconnue à trouver.<br />
1 Grégoire <strong>de</strong> Tours ne parle pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> conquête <strong>de</strong> Tournai par Clodion : mais elle a dû<br />
précé<strong>de</strong>r celle <strong>de</strong> Cambrai <strong>et</strong> n’a pu être faite que par lui, puisque nous trouvons encore<br />
Tournai au pouvoir <strong>de</strong> Rome dans <strong>la</strong> Notitia imperii. Le Liber historiæ, c. 5, complète le<br />
récit <strong>de</strong> Grégoire, <strong>et</strong> bien qu’il y mêle <strong><strong>de</strong>s</strong> inexactitu<strong><strong>de</strong>s</strong>, il est conforme à <strong>la</strong> vérité<br />
historique au moins dans ce détail : Carbonaria silva ingressus Tornacinsem urbem<br />
obtinuit. Exin<strong>de</strong> usque Camaracum civitatem veniens, <strong>et</strong>c.